« Août 1982. Phil Boudreau, détective de la brigade des mœurs de Seattle, est appelé en urgence dans une des banlieues de la ville. On vient de retrouver le corps d’une jeune femme dans la Green River. Les services de police présents sur les lieux ne lui demandent qu’une chose, identifier la victime, qui semble être une de ces jeunes prostituées que son travail l’amène à fréquenter. Boudreau la reconnaît et pense immédiatement à un suspect possible, Garrett Richard Lockman. Mais le rapport qu’il envoie à sa hiérarchie, dans lequel il fait état de ses soupçons, est enterré sans qu’il en connaisse la raison. Bientôt, les victimes se multiplient dans la Green River, presque toutes de jeunes prostituées de la ville. Mis à l’écart des investigations, Boudreau décide de mener seul une enquête clandestine qui va durer près de dix ans. »
Le bouquin est inspiré d’une histoire vraie, celle du tueur de la Green River qui fit près de cinquante victimes dans les années 80. Autant aller droit au but, c’est un très bon roman même s’il ne présente pas – et c’est en cela qu’il est bon – les clichés du genre auxquels on s’attend. Il n’y a pas de suspense haletant ou de fin de chapitres qui font dresser les cheveux sur la tête (pour ceux qui en ont encore, des cheveux s’entend !). Malgré l’accumulation de cadavres et l’horreur qu’ils peuvent inspirer, le lecteur n’a jamais peur, ce n’est pas le but recherché par l’écrivain. Nous ne sommes d’ailleurs pas vraiment mis dans les rouages de l’enquête policière, mais par contre Thorp est très fort pour nous placer dans la tête du tueur, qui est connu dès le début du livre. Rien ne nous échappe de son machiavélisme, de ses ruses intelligentes, des pulsions sexuelles qui l’animent, de sa grande force de persuasion à manipuler son monde, victimes et police.
Thriller oui, mais thriller psychologique. Le roman est dense, plein de petits détails accentuant la crédibilité des situations, il est long avec plus de six-cents pages, mais pour une fois je ne critique pas, car si bien écrit qu’on ne s’en rend pas compte et le rythme, placé dans le discours plus que dans l’action, en rend la lecture véritablement agréable. Des ellipses qui désarçonnent, d’autres qui donnent du poids au propos « Pas un cri, juste le regard, l’horreur soudaine de la révélation : elle allait mourir… et elle mourut en effet. »
L’enquête s’étalant sur dix ans, on suit aussi les personnages dans leur vie privée, Boudreau et son jeune fils puis la nouvelle femme de sa vie, la place de l’enquête prise dans son existence c'est-à-dire dans son esprit. Tout est juste, tout tient la route. Enfin, cerise sur le gâteau, l’épilogue inattendu…