Les travaux d'élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte se poursuivent. Les auditions se succèdent et les propositions d'amendements pleuvent. Le point sur les principaux sujets de discussion en cours.
J'ai été auditionné sur le projet de loi relatif à la transition énergétique par plusieurs députés et pu rencontrer plusieurs parlementaires, collaborateurs et administrateurs parlementaires ou autres personnes auditionnées. Ce qui suit ne constitue pas un exercice de prédiction de ce que pourrait être le contenu définitif de la loi mais un simple état des principaux sujets de discussion en cours. Ce qui ne signifie pas que la loi qui sera votée tranchera sur tous ces sujets.
Une chose est cependant certaine. Les travaux en cours sont particulièrement intenses et les parlementaires, leurs collaborateurs et les administrateurs parlementaires disposent d'un temps très réduit pour étudier et amender un texte dense et parfois très technique. C'est, à mon sens, dommage. Certains sujets ne pourront pas être approfondis faute de temps, par exemple pour solliciter des expertises complémentaires.
Sur la structure du projet de loi : celle-ci ne devrait pas être modifiée. Ni les objectifs, ni la ventilation des huit titres de la loi ne devraient être bouleversés lors des réunions en Commission spéciale les 24, 25 et 26 septembre. La "ligne éditoriale" de la loi ne devrait pas non plus être modifiée. Cette loi aura bien pour objet d'adapter et non de révolutionner le modèle énergétique actuel.
Sur le bâtiment. Le Titre II du projet de loi est consacré à l'avenir du bâtiment. Il s'agit clairement d'une priorité pour le Gouvernement et ce, depuis 2007. Les lois Grenelle 1 (2009) et 2 (2010) avaient déjà érigé en priorité la réalisation d'économies d'énergie et de travaux de rénovation énergétique du bâtiment. Actuellement, ce titre fait l'objet de nombreuses propositions d'amendements et les débats en audition sont intenses. Parmi les sujets évoqués, on notera : la possibilité d'inscrire la performance énergétique au nombre des critères de décence d'un logement à la location, la création d'un passeport énergétique qui sera une sorte de "carnet de santé" du logement, la structuration des groupements d'artisans susceptibles d'offrir des travaux de rénovation à moindre coût, la création d'un service public régional de l'efficacité énergétique, l'octroi d'un bonus de constructibilité pour les bâtiments à énergie positive. L'objectif de faire contribuer le dispositif des certificats d'économie d'énergie à la lutte contre la précarité énergétique est également proposée. La controverse est par ailleurs vive sur la nécessité ou de créer une obligation d'embarquer des travaux de rénovation énergétique aux grandes étapes de la vie d'un bâtiment.
Sur l'économie circulaire et les déchets. Le Titre IV est également très important, non seulement en raison de ses enjeux écologiques et économiques mais aussi parce qu'il s'agit d'un titre un peu spécifique par rapports aux autres, plus directement liés à la production d'énergie. La définition de l'économie circulaire proposée par le projet de loi est généralement jugée peu satisfaisante, trop axée sur les déchets et le cycle de vie des produits. De plus elle n'est pas codifiée au sein du code de l'environnement au risque d'être vite oubliée. Les sujets de discussion sont : le tri des biodéchets, la création (ou non) d'une filière pour les combustibles solides de récupération (CSR), la massification de flux de déchets vers les filières de réemploi/réutilisation/recyclage, la responsabilité du détenteur de déchets professionnels, le gaspillage alimentaire, l'interdiction des sacs plastiques à usage unique ...
Sur les énergies renouvelables. Le Titre V est sans doute le plus décevant du projet de loi. Il ne comporte que des mesures de contrôle et aucune mesure d'encouragement du développement des énergies renouvelables terrestres. Il est de plus créateur d'une nouvelle incertitude puisqu'il précise que n'auront droit à un contrat d'achat que les installations listées par décret : quid des demandes de contrat d'achat présentées avant publication de ce décret ? Quand ce décret sera-t-il publié ? Plusieurs juristes ont pu ici me faire part de leur inquiétude. Il est impératif que le législateur corrige ce point que très peu semblent avoir relevé. Par ailleurs, le projet de loi ne comporte aucune mesure de simplification des procédures administratives de création et d'exploitation des projets de production d'énergies renouvelables terrestres. Alléger la contrainte de l'appel d'offres, garantir que l'éolien terrestre ne sera pas soumis à appel d'offres, alléger la procédure ICPE en passant les éoliennes du régime de l'autorisation à celui de l'enregistrement ou de la déclaration ... les propositions ne manquent pas. Seront-elles entendues ?
Sur la gouvernance : le titre VIII comporte des dispositions essentielles pour la planification de la politique énergétique de la France pour les prochaines années. Malheureusement, les trois principaux documents de planification - budget carbone, stratégie nationale bas carbone, programmation pluriannuelle de l'énergie - seront élaborés...par décret. L'administration seule est chargée d'écrire ces documents qui s'imposeront ensuite à des collectivités territoriales élues. Nous restons ici dans une logique "haut vers le bas" sans passer au "bas vers le haut". Associer les régions à la réalisation de ces documents est une idée qui circule. Le chèque énergie suscite aussi beaucoup de questions et son fonctionnement pourrait être précisé. A l'inverse, le dispositif de plafonnement de la production d'énergie nucléaire ne devrait pas connaître de modification substantielle.
A suivre...
Arnaud Gossement
Selarl Gossement avocats