La prison ressemble beaucoup à cela, en ce sens que chaque jour ressemble à l’autre, dans le contexte d’un emprisonnement de longue durée. La même nourriture; les mêmes édifices; les mêmes visages. L’hiver ou l’été, les jours de semaine ou de fin de semaine… Vous vous réveillez dans la même couche à structure métallique, portez les mêmes vêtements, allez au même gymnase, à la même classe, à la même chapelle…
Une enseignante à l’école de la prison où je travaille me demande quand un de ses étudiants, dont j’étais le tuteur, avait quitté la prison. Je hausse les épaules. «Ça peut être l’hiver dernier ou il y a trois ans. J’ai perdu la notion du temps depuis bien des années», lui dis-je. «Moi aussi», murmure-t-elle en secouant la tête.
C’est exactement l’état d’esprit que les moines, les penseurs, les ermites et ceux qui se consacrent aux techniques de méditation recherchent depuis des millénaires. Il y a 26 siècles, deux écoles de pensée ont vu le jour en Chine, qui était alors de loin la société la plus avancée de la planète; elles représentaient deux façons d’atteindre l’état d’esprit dont jouit chaque détenu de longue durée sous autorité fédérale.
Les taoïstes, à la suite de Lao-Tseu, parvenaient au même état d’esprit par une route différente: une absence totale de rigidité. «Soyez comme le bois non sculpté», écrivait Lao-Tseu dans son livre, le Tao Te King. Renoncez; menez une vie simple; lâchez prise; consacrez-vous à quelque chose de plus grand que vous. Vers la fin de sa vie, Confucius fut accosté par un groupe de taoïstes qui lui apparut comme que de sales hippies. Aujourd’hui, la société chinoise vit avec les 2 écoles de pensées: elle suit les principes confucéens, tandis que les écrits de Lao-Tseu sont de grands succès en librairie.
J’ai essayé de convaincre un autre détenu, hier, de la chance que nous avions d’être en prison et d’à quel point nous étions près du «chi». À la fin, je n’ai pu le convaincre que d’une chose, et c’est de ne pas me tabasser.
Vos commentaires sur Relativité du temps et système carcéral.