Magazine Humanitaire
Dans un rapport accablant publié aujourd’hui, Action contre la faim, le CCFD-Terre Solidaire et Oxfam France dénoncent l’opacité de cette initiative et son impact sur la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations.
Ce rapport est publié en amont de la réunion du Leadership Council, chargé de la mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de la Nouvelle Alliance, qui se tiendra le 22 septembre à New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies [1]. Annick Girardin, Secrétaire d'Etat au Développement et à la Francophonie, y représentera la France.
Pour les ONG, cette initiative pousse les Etats africains à mettre en œuvre des mesures de dérégulation et d’ultra-libéralisation de leur secteur agricole au détriment de l’agriculture familiale et paysanne, sans implication ou presque des acteurs locaux.
Le rapport s’appuie sur des études de terrain menées au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et au Sénégal, des entretiens réalisés auprès de membres de la société civile africaine et l’analyse détaillée des cadres de coopération. Il détaille entre autres les conséquences de la Nouvelle Alliance sur le droit à l’alimentation des populations les plus vulnérables, sur la lutte contre la malnutrition, le développement des PME africaines, les droits fonciers des paysans et leur accès aux semences et aux ressources naturelles.
« Le modèle agricole qui est promu par la Nouvelle Alliance est défavorable aux petits producteurs. Il ne permet pas de lutter de façon durable contre l’insécurité alimentaire et la faim ni d’atténuer les difficultés quotidiennes des Éthiopiens ou des Burkinabés. La sous-nutrition apparait surtout comme un alibi alors que seuls 3% des investissements mentionnent des produits à la fois favorables à la nutrition et destinés au marché local », explique Peggy Pascal d’Action contre la faim.
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Le rapport souligne en particulier le rôle trouble de la France. Si cette dernière s’est dans un premier temps montrée réticente face à la Nouvelle alliance, elle figure aujourd’hui parmi les trois premiers contributeurs, à hauteur de à 754 millions d’euros par an.
Surtout, la France fait preuve d’un manque total de transparence quant aux financements qu’elle accorde aux multinationales membres de l’Alliance via PROPARCO, la filière de l’Agence Française de Développement dédiée au secteur privé [2].
« Malgré les critiques formulées au lancement de l'initiative, la France occupe en réalité un rôle central dans la Nouvelle Alliance qui semble bien constituer l’un des bras armés de la diplomatie économique chère au gouvernement de François Hollande. Si elle veut rester crédible sur la scène internationale, la France doit quitter cette initiative, ou agir pour qu’elle soit radicalement réformée », rappelle Maureen Jorand du CCFD-Terre Solidaire.
Les mesures visant à favoriser l’investissement privé, notamment les incitations fiscales, tarifaires et douanières, privent par ailleurs les Etats africains de recettes fiscales qui leur permettraient de renforcer l’investissement agricole public indispensable à la lutte contre l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.
« Derrière ses ambitions affichées de lutter contre la pauvreté, l’insécurité alimentaire et la malnutrition en Afrique, le G8 déroule en réalité le tapis rouge aux investisseurs internationaux. D’ailleurs de nombreux pays africains parmi les plus gravement affectés par l’insécurité alimentaire et nutritionnelle sont laissés en dehors de cette initiative. Ce sont plutôt les pays qui offrent le plus de perspectives de croissances et de profits pour les multinationales et les gros investisseurs qui ont été ciblés en priorité » explique Clara Jamart d’Oxfam France. [3]
31 modifications ayant un impact sur les législations financières et fiscales sont prévues pour l’ensemble des pays africains de la Nouvelle Alliance. Il apparaît clairement que les véritables bénéficiaires de cette initiative sont aujourd’hui les multinationales de l’agroalimentaire et les grands traders de matières premières agricoles.
Olivier De Schutter, ancien Rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à l'alimentation, signe la préface de ce rapport et souligne que « compte tenu des progrès des technologies agricoles au cours du siècle dernier, nous savons que les obstacles techniques sont surmontables : ce sont le courage et la lucidité politiques qui font défaut ».