Interview avec Frédéric Fontang, ex-joueur pro et entraîneur de tennis

Publié le 22 avril 2014 par Sportpsy @sportpsy
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Pour illustrer mon article précédent “Quand le sportif professionnel devient entraîneur”, j’ai demandé à Frédéric Fontang, ancien joueur professionnel (ex-59ème mondial) et maintenant entraîneur de Vasek Pospisil (actuellement 29ème mondial) de répondre à quelques questions.

1. Avez-vous choisi le moment où vous avez arrêté votre carrière en tant que joueur? Etiez-vous satisfait de votre propre carrière?

J’ai choisi le moment ou j’ai décidé de mettre un terme à ma carrière. Cette décision est venue naturellement. Avec le recul, ce fut le bon timing pour ma future carrière d’entraîneur. J’étais globalement satisfait de ce que j’avais réalisé, compte tenu de mes capacités, mais je restais tout même sur ma faim car je pensais ne pas avoir complètement été au bout de mon potentiel, surtout en terme de longévité dans le top 100.

2. Est-ce que vous aviez déjà envisagé de devenir entraîneur pendant votre carrière? A quel moment avez-vous eu envie d’être entraîneur?

Je n’ai jamais pensé devenir entraîneur au long de ma carrière de joueur, sauf sur la dernière saison où ma réflexion sur l’après  se précisait dans ma tête. J’avais pour projet de créer un centre d’entrainement dans le sud-ouest, à Pau, ma ville d’origine, afin de permettre aux jeunes de ma région d’avoir une structure de qualité sans quitter leur environnement familial trop tôt.  Jérémy Chardy en a profité dès l’âge de 12 ans et a pu être formé à mes côtés pour atteindre le 31ème rang mondial à 22 ans sans quitter son sud ouest natal. 

3. Qu’est-ce qui vous a attiré dans ce métier (plutôt qu’un autre)?

Au tout départ, c’est le côté: construction, planification, établir un diagnostic, se fixer des objectifs et réfléchir aux moyens pour les atteindre qui m’ont attiré. Ensuite j’ai vite compris que le métier d’entraîneur nourrissait mon esprit de compétition grâce à l’adrénaline que procure la victoire. Il est difficile de retrouver dans la vie de tous les jours, ce petit moment de grâce qui suit une victoire. Avec l’âge et l’expérience, on prend de plus en plus de plaisir dans le fait de transmettre, de donner les bons outils à son joueur afin qu’il puisse exprimer son plein potentiel.

4. Avez-vous pris du recul sur votre propre expérience de joueur avant de devenir entraîneur? 

J’ai pris le temps de me former, passer des brevets d’état BE1 et BE2 en même temps que j’ai appris à enseigner à différents niveaux et âges. Cette période de 7 ans a été primordiale pour moi car j’ai pu réellement prendre du recul par rapport à ma carrière de joueur. Et surtout j’ai appris le métier à la base: faire évoluer la technique, trouver le bon correctif, ajuster son message selon la personnalité de l’élève. Pas si simple la pédagogie! Mais aujourd’hui je peux mesurer l’importance de cette phase notamment dans ma collaboration actuelle avec un jeune joueur Canadien, Vasek Pospisil, qui lorsque nous avons commencé à travailler il y a un an, avait besoin d’ajustements techniques importants. Les changements de cet ordre ne sont pas faciles dans un contexte de haut niveau où il y a des compétitions en permanence. J’ai pu être en mesure d’ajuster mon intervention grâce à mes expériences passées dans la formation. Grâce à ses qualités, sa capacité de travail et mes compétences, il est aujourd hui 25ème à l’ATP, c est plutôt encourageant! 

 5. Pensez-vous que ce soit un avantage d’être un ancien joueur pro? (quelles sont les qualités qu’un joueur pro doit posséder pour devenir entraîneur)

Je pense que c’est un avantage si le joueur passe par un processus où il apprend le métier d’entraîneur. C’est comme pour tout, il faut passer par différentes phases avant d’atteindre un certain niveau de compétence. Au fil du temps, on se construit un savoir-faire à force d’expériences faites d’essais et d’erreurs! Les qualités pour devenir entraîneur sont pour moi: d’avoir une réflexion sur le jeu,  sur la vie en général, être capable de travailler en équipe, aimer transmettre pour faire briller son joueur (pas facile pour l’égo d’un ancien pro surtout si ex-champion). Un équilibre familial solide car il faut beaucoup voyager.

6. L’entraîneur de Lavillenie a dit que la première qualité d’un entraîneur, c’est d’oublier qu’il a été athlète un jour (pour ne pas faire du copier-coller). Qu’en pensez-vous?

Il est certain qu’il ne faut pas faire du copier-coller mais on ne peut pas se couper complètement de sa propre expérience. Elle doit au contraire nous servir de façon positive, à construire un nouvel édifice à chaque fois plus performant:”Oublier son passé raccourcit son avenir”

7. Quelles sont les erreurs à ne pas commettre pour devenir un grand entraîneur?

Je ne sais pas. Je sais plus ce qu’il faut faire pour devenir un bon entraîneur et dans le processus de savoir ce qu’il faut faire pour être un grand entraîneur!!!

8. Pensez-vous que les grands joueurs (Becker, Edberg etc.) puissent devenir de grands entraîneurs? 

Personnellement je vois plus Edberg devenir un grand entraineur. Il a la personnalité taillée pour ce métier, s’il souhaite re-voyager!

9. Quelles sont vos ambitions, votre philosophie en tant qu’entraîneur de joueur professionnel?

On transmet ce que l’on est. Par ses actes, l’entraîneur est un exemple. Mon ambition est de m’améliorer un peu tous les jours, en tant qu’entraîneur mais plus généralement en tant qu’homme. ( la voie du Samouraï)