Interview : Roberto Ricci pour « Urban (T3) »

Réalisée sur skype, voici l’interview « éclairante » sur le dessin de Roberto Ricci

Cette interview complète la chronique consacrée à la sortie de l’album : « Urban (T3) » Que la lumière soit
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Ce troisième tome marque un vrai changement de ton et de lieux. Cela t’a demandé beaucoup d’efforts ?
R. R.Ce fut un peu plus dur… Honnêtement, je ne m’attendais pas du tout à ces changements de scènes, surtout les séquences extérieures. Cela m’a demandé plus de temps. Pour la ferme de Zach par exemple, je devais rechercher de la documentation.
Je ne sais pas si cela se voit, mais j’ai changé aussi de technique. Je voulais que le dessin devienne plus “sombre” petit à petit, à l’aide de l’encrage, pour devenir plus sérieux, sortir du coté “Sympa”. Par exemple, la séquence ou Springy est dans le noir, j’ai amené plus de noirs.

Les personnages sont moins grimés que sur les deux premiers tomes. Ils tombent les masques, au sens propre.
R. R.C’est plus difficile de représenter les émotions “au naturel” ?
On a cherché à être plus subtil pour les expressions. C’est quelque chose qui m’intéresse. J’aime rechercher les expressions. J’essaye de pousser ces recherches. Je m’amuse beaucoup à faire des expressions très chargées, mais j’aime l’idée de donner une “âme”, une “vraie” expression.
Quand Springy Fool perd le contrôle, il passe par des émotions très différentes. De la rage à la folie, il finit en se comportant comme un petit garçon. C’est difficile, mais j’adore ce travail. Je me fiche de dessiner juste ou non, d’une erreur de perspective… (rires). Cela ne me gêne pas, mais les expressions doivent être justes.

Je trouve que les expressions sonnent plus vraies.
R. R.Je savais que je devais représenter Springy sans maquillage, mais j’ignorais que ça allait être constant. Le personnage a pris de la densité, de la crédibilité.

Dans les précédents tomes, tu t’es servi de références architecturales pour construire certains décors (dans Chicago, le «Board of trade», voir l’interview du T2. Est-ce encore le cas pour ce 3e tome ?
R. R.Oui, surtout dans le théâtre. C’est la base du travail de trouver des décors. C’est le célèbre théâtre de Chicago. Très facile à trouver sur le net.

Coté décors, le restaurant où mangent Springy Fool et Ishrat est particulier. Il est même totalement improbable (avec une vue magnifique sur la montagne).
R. R.On cherchait à représenter un lieu presque “magique”.

La montagne, c’est la beauté naturelle ?
R. R.On imagine que les travailleurs sont presque tous des mineurs sur les autres planètes. Ils travaillent dans le noir. Le luxe, c’est la lumière. Donc, ça paraissait logique de montrer un paysage extrêmement lumineux.

Tu mets en image un monde déshumanisé, remplis de robots. Cela fut facile de dessiner cette technologie ?
R. R.Depuis mon enfance, je dessine des robots (rires). Bien sur, je fais des croquis, des recherches, mais c’est rapide. Je ne fais pas d’études précises de “robotique”. Par contre, je cherche toujours à leur donner une attitude “humaine”.

Par quels moyens ? La gestuelle ?
R. R.Je m’inspire des insectes, ou des gens autour de moi. Dans la séquence du restaurant, je représente un robot avec sa serviette sur le bras. Je cherche la bonne attitude corporelle, puisqu’ils n’ont pas d’expression sur le visage.

L’ambiance couleurs (chaude, froide) est de plus en plus forte sur ce tome 3 (avec des planches entières dans les rouges ou dans les bleus). L’idée, c’est de retranscrire l’émotion ?
R. R.Oui. C’est normal que sur chaque tome, je cherche à corriger le tir sur ma technique graphique et sur ma technique de narration. J’aime beaucoup souligner avec la couleur l’esprit de la séquence. Pour la sensation, mais aussi pour souligner les changements de séquences. Luc gère plusieurs séquences en parallèle. Changer de couleurs m’aide à repérer ses changements.
On a cherché à souligner la rythmique. La technique, ce n’est pas le plus dur, mais le choix des couleurs utilisées.
Habituellement, je pose des lavis, puis je travaille la couleur. Sur ce troisième tome, j’ai simplifié la couleur, en utilisant presque que des aplats. C’est plus direct et plus « juste » pour la narration selon moi.

Dans ce tome 3, le sexe est très présent. Comment travaillez-vous cela ? Avez-vous une limite, une auto-censure ?
R. R.Ce n’est pas une BD pour enfants, mais pas du porno non plus.
Le sexe fait partie de Springy Fool. C’est une composante de sa personnalité. On devait traiter cela. Comme pour la mort de Niels, on ne pouvait pas le cacher.

Il y a 6 tomes de prévu. Ce n’est pas trop effrayant au bout du 3e tome ?
R. R.A certains moments, je me dit “Non, ca ne va pas être possible” (rires)
Et puis, je suis heureux d’avoir une série pour développer les personnages. Dans chaque tome, le personnages évoluent avec moi. Je vis avec eux. Je les sens de plus en plus proches.
De temps en temps, je me sens bloqué dans une série. j’ai eu des propositions de travail extrêmement intéressant que j’ai du refuser…
Mais je suis heureux de travailler sur cette série. J’adore le scénario de Luc. J’ai de la chance de travailler sur une série assez longue.

Cela te permet d’explorer autre chose, entre chaque tome.
R. R.On sait déjà qu’on pourra tout dire sur les personnages. Et on dira Tout ! (rires)
Il ne restera aucune zone d’ombre. Tout sera parfaitement clair à la fin.

Tu es satisfait de ce troisième tome ?
R. R.Je suis vraiment content de mon travail sur cet album. J’ai l’impression que tout est du même niveau d’exigence. Sur le second tome, Je n’aime pas certains passages (j’étais très fatigué).
Je pourrais mettre 10 jours pour peaufiner le dessin. Mais non, je me donne des temps plutôt serrés sur les planches, maximum 3 jours, car je ne veux pas que le dessin soit la chose la plus importante (rires).