Je vais vous raconter l’histoire d’un homme en quête de liberté qui est mort là où il avait choisi de finir ses jours, dans la forêt de ses ancêtres, au nord du cinquantième parallèle.
Fier représentant du peuple montagnais du Lac Saint-Jean, cet Amérindien gardait en mémoire de profondes valeurs humaines et un respect inconditionnel pour la nature.
Le sang qui lui coulait dans ses veines était écarlate : couleur de la passion… mâtinée de courage et d’une certaine timidité.
Si son cœur pouvait me parler aujourd’hui, il me présenterait sans doute des cicatrices laissées par les abus de certains Blancs qui l’ont jugé à tort. Il fut traité à répétition de primitif et de paresseux. Gardant le silence, il encaissait les frustrations. Si ces gens là sont toujours vivants, je souhaite qu’ils comprennent que vivre en harmonie, c’est vivre heureux.
Les Amérindiens pratiquaient différentes activités selon les saisons. L’hiver, les Montagnais de l’époque se dispersaient en petits groupes et partaient à la chasse. Notre vieil homme, dans son jeune temps, y participait année après année.
C’est avec peine et misère qu’ils trappaient dans des conditions climatiques extrêmes, dormaient dehors et devaient être innovateurs pour survivre. Mon vieil ami était loin d’être lâche… Et plusieurs ont profités de ses compétences de guide et de chasseur.
Le long voyage qui séparait les époux ne les empêchait pas de se rêver, rendant les retrouvailles des plus attendues.
Le printemps venu, les canots d’écorces de bouleau apparaissaient sur la ligne d’horizon, au large du lac Saint-Jean. Ils étaient dirigés par les maitres trappeurs qui avironnaient avec puissance. Le panorama évoquait calme et beauté. À la vue de leur cargaison, on devinait la joie qui les habitait. Des fourrures de toutes sortes couvraient le fond de l’embarcation : martres, loutres, visons, castors, rats musqué, belettes, pécans, loups, renards et lynx.
Comme la plupart des Montagnais, le vieil Amérindien, avait appris à vivre sur une réserve, il s’était adapté à l’enseignement des missionnaires et était devenu catholique. Ainsi s’écoulait le temps…
Les années passèrent, l’homme comprit qu’il s’avançait vers le seuil de la mort. Il s’endormait de plus en plus, suivant en cela le rythme de la forêt qui prenait les couleurs de l’automne. Avec courage, il demanda à ses proches d’être conduit en hydravion et laissé seul à son camp, situé sur son ancien territoire de chasse. C’est à travers les eaux limpides de son lac et dans le souffle du vent qu’il voyait Dieu.
Il prit soin d’accrocher ses mocassins à la branche d’une épinette noire pour qu’on se souvienne de lui. Enfin libre, il ferma les yeux, à jamais bordé par les couvertures de laine que sa femme avait tissées. Son corps fut retrouvé le printemps suivant.
Le sang du défunt coule dans les veines de l’enfant que j’ai peint. Celui-ci connaît l’histoire de son arrière grand-père, il marche dans ses traces. Malgré le fait qu’il s’inquiète de son avenir, le petit Amérindien souhaite battre de nouveaux sentiers. Ce matin là, j’aurais aimé peindre un enfant tout sourire et sans crainte.
Virginie Tanguay
Notice biographique
Virginie Tanguay vit à Roberval, à proximité du lac Saint-Jean. Elle peint depuis une vingtaine d’années. Elle est