L'expropriation de l'immeuble ne fait pas disparaître le fonds de commerce : rappel de ce principe par cet arrêt.
"Vu l'article L. 12-2 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble l'article L. 141-5 du code de commerce ;
Attendu que l'ordonnance d'expropriation éteint, par elle-même et à sa date, tous droits réels et personnels existant sur les immeubles expropriés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 novembre 2011), que, par ordonnance du 29 juillet 2005, le juge de l'expropriation du département des Hauts-de-Seine a prononcé, au profit de la commune de Clichy-La-Garenne, le transfert de propriété d'un immeuble dans lequel était exploité un commerce de peinture décoration et revêtement de sols et murs par M. X... ; que celui-ci a, par acte sous seing privé du 31 janvier 2008, cédé les éléments de ce fonds, à la société Cité Peinture ; que la commune de Clichy-La-Garenne a saisi le juge de l'expropriation pour faire constater qu'elle n'était redevable d'aucune indemnité d'éviction envers cette société ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que l'ordonnance éteint à la date à laquelle elle est rendue tout droit réel ou personnel existant sur l'immeuble exproprié, que cette ordonnance a été publiée au bureau des hypothèques en 2007 et que si M. X... a momentanément pu poursuivre l'exploitation de son affaire, il reste qu'aucun droit sur le fonds, qui avait disparu, n'a pu être transféré postérieurement au 29 juillet 2005 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'ordonnance d'expropriation, qui éteint le droit au bail, ne fait pas disparaître le fonds de commerce et que la cession de ce fonds emporte, sauf clause contraire incluse dans l'acte, cession de la créance d'indemnité d'éviction due au cédant, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles (chambre des expropriations), autrement composée ;
Condamne la commune de Clichy-La-Garenne, agissant par son maire, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la commune de Clichy-La-Garenne, agissant par son maire, à payer à la société Cité Peinture la somme de 2 500 euros ;
Rejette la demande de la commune de Clichy-La-Garenne ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la société Cité Peinture
PREMIER MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a confirmé le jugement entrepris ayant débouté la société CITÉ PEINTURE ;
AUX MOTIFS QUE « la commune de CLICHY-LA-GARENNE a déposé un mémoire en réponse le 8 juin 2011 et qu'elle a été entendu à l'audience du 11 octobre 2011 » ;
ALORS QUE, dans son mémoire du 6 octobre 2011, la société CITÉ PEINTURE faisait valoir que si la commune avait produit des écritures, et précisait qu'elle était représentée par son maire, elle ne justifiait pas d'une délibération du Conseil municipal de CLICHY-LA-GARENNE autorisant le maire à agir en défense ou d'une délibération du Conseil municipal de CLICHY-LA-GARENNE donnant délégation au maire (conclusions du 6 octobre 2011 de la société CITÉ PEINTURE) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce moyen, pour rechercher si antérieurement au 11 octobre 2011, date de l'audience et donc de la clôture des débats, il avait été justifié que le maire était autorisé à agir au bénéfice d'une délégation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles L. 2122-22.16, L. 2132-1 et L. 2132-2 du code général des collectivités territoriales ;
DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de la société CITÉ PEINTURE visant à l'octroi d'une indemnité d'éviction ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'ordonnance d'expropriation éteint à la date à laquelle elle est rendue tout droit réel ou personnel existant sur l'immeuble exproprié ; que cette ordonnance a en l'espèce été publiée au bureau des hypothèques en 2007 ; que si M. X... a momentanément pu poursuivre l'exploitation de son affaire, il reste qu'aucun droit sur le fonds qui avait disparu n'a pu être transféré postérieurement à l'ordonnance du 29 juillet 2005 ; que la société CITE PEINTURE est par ailleurs mal fondée à reprocher un enrichissement sans cause à la commune de Clichy-la-Garenne qui tient ses droits de l'ordonnance d'expropriation, alors qu'elle-même ne prétend pas être dans l'impossibilité d'agir contre M. X... et ne justifie pas remplir les conditions d'exercice de l'action de in rem verso » (arrêt, p. 3) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' « en l'espèce l'ordonnance d'expropriation en date du 29 juillet 2005 prise par la juridiction de céans a mis fin au droit au bail de monsieur X... sur ces locaux et ce dernier ne pouvait valablement céder son droit au bail comme faisant partie de son fonds artisanal ; qu'en conséquence la cession par monsieur X... de son fonds artisanal de peintures, décoration et revêtements de sols et de murs à la société CITE PEINTURES intervenue le 31 janvier 2008 n'a pas eu pour conséquence de transférer le droit au bail sur les locaux où était exploité le fonds, ce droit étant éteint à cette date, et ce en dépit des mentions de l'acte ; qu'il en résulte que la société CITE PEINTURES ne peut se voir allouer d'indemnité d'éviction ; que la société CITE PEINTURES qui fait valoir un enrichissement sans cause de la commune de Clichy ne démontre pas le bien-fondé de ce moyen dés lors que la présente juridiction ne dispose d'aucun élément de nature à établir que l'indemnité versée à la propriétaire a pris en compte une occupation commerciale des locaux sans que le titulaire du droit au bail à la date de l'ordonnance à savoir monsieur X..., qui était en droit de prétendre à une indemnité d'éviction, ait été indemnisé » (jugement, p. 3-4) ;
ALORS QUE, toute cession de fonds de commerce emporte cession de la créance d'indemnité d'éviction due au cédant ; que si l'ordonnance d'expropriation éteint de plein droit le bail attaché au fonds de commerce, et à ce titre ouvre droit à indemnité d'éviction, elle ne fait pas disparaître le fonds de commerce dont l'exploitant reste propriétaire, de sorte que l'exploitant peut céder le fonds de commerce, avec la créance d'indemnité d'éviction, après intervention de l'ordonnance d'expropriation ; qu'en décidant que la société CITE PEINTURE, cessionnaire du fonds de commerce, ne pouvait prétendre à aucune indemnité au motif que le bail n'avait pu lui être cédé en 2008, postérieurement à l'ordonnance d'expropriation, alors qu'elle était propriétaire du fonds de commerce régulièrement cédé en 2008 et, en cette qualité, avait droit à l'indemnité résultant de la résiliation du bail, les juges du fond ont violé les articles L. 12-2 et L.13-13 du code de l'expropriation, ensemble l'article L. 141-5 du code de commerce ;
TROISIÈME MOYEN DE CASSATION
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté la demande de la société CITÉ PEINTURE visant à l'octroi d'une indemnité d'éviction ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'ordonnance d'expropriation éteint à la date à laquelle elle est rendue tout droit réel ou personnel existant sur l'immeuble exproprié ; que cette ordonnance a en l'espèce été publiée au bureau des hypothèques en 2007 ; que si M. X... a momentanément pu poursuivre l'exploitation de son affaire, il reste qu'aucun droit sur le fonds qui avait disparu n'a pu être transféré postérieurement à l'ordonnance du 29 juillet 2005 ; que la société CITE PEINTURE est par ailleurs mal fondée à reprocher un enrichissement sans cause à la commune de Clichy-la-Garenne qui tient ses droits de l'ordonnance d'expropriation, alors qu'elle-même ne prétend pas être dans l'impossibilité d'agir contre M. X... et ne justifie pas remplir les conditions d'exercice de l'action de in rem verso » (arrêt, p. 3) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU' « en l'espèce l'ordonnance d'expropriation en date du 29 juillet 2005 prise par la juridiction de céans a mis fin au droit au bail de monsieur X... sur ces locaux et ce dernier ne pouvait valablement céder son droit au bail comme faisant partie de son fonds artisanal ; qu'en conséquence la cession par monsieur X... de son fonds artisanal de peintures, décoration et revêtements de sols et de murs à la société CITE PEINTURES intervenue le 31 janvier 2008 n'a pas eu pour conséquence de transférer le droit au bail sur les locaux où était exploité le fonds, ce droit étant éteint à cette date, et ce en dépit des mentions de l'acte ; qu'il en résulte que la société CITE PEINTURES ne peut se voir allouer d'indemnité d'éviction ; que la société CITE PEINTURES qui fait valoir un enrichissement sans cause de la commune de Clichy ne démontre pas le bien-fondé de ce moyen dés lors que la présente juridiction ne dispose d'aucun élément de nature à établir que l'indemnité versée à la propriétaire a pris en compte une occupation commerciale des locaux sans que le titulaire du droit au bail à la date de l'ordonnance à savoir monsieur X..., qui était en droit de prétendre à une indemnité d'éviction, ait été indemnisé » (jugement, p. 3-4) ;
ALORS QUE, la créance correspondant à l'indemnité d'éviction peut être cédée par le titulaire du bail ; qu'en l'espèce, la société CITÉ PEINTURE faisait valoir qu'aux termes de l'acte du 31 janvier 2008, la créance correspondant à l'indemnité d'éviction due à M. X... lui avait été cédée (mémoire du 6 mai 2011, p. 4 in fine et p. 5 alinéas 1 à 8) ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.13-13 du code de l'expropriation, et au regard des articles 1689 à 1692 du code civil."