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Contrôleur à contrôler

Publié le 15 septembre 2014 par Malesherbes

Le 2 septembre, François Rebsamen, ministre du Travail, de l'Emploi et du Dialogue social, a déclaré : « Trois cent cinquante mille offres qui ne trouvent pas preneur dans un pays qui compte 3,4 millions de chômeurs, c'est quand même quelque chose d'insupportable. » Dans la foulée, il a demandé à Pôle emploi de renforcer les contrôles. Il est possible qu’on puisse trouver parmi les chômeurs des tricheurs, sans d’ailleurs que l’on soit en mesure de chiffrer l’importance de ce phénomène, tout comme on a pu trouver des députés en délicatesse avec la loi, le dernier débusqué s’étant révélé incapable de déclarer ses revenus, de payer ses impôts, son loyer, etc… Il est singulier de voir un membre d’une majorité incapable de lutter contre le chômage s’en prendre aux chômeurs. Voilà un titre de ministre du Dialogue social bien mal porté !

Le Monde daté du 4 septembre a publié un article d’Hadrien Clouet, doctorant à Sciences Po, d’où je vais extraire les quelques informations qui suivent. Tout d’abord, le nombre d’offres non pourvues avancé par le ministre est plus qu’approximatif et sujet à variations : « En 2004, François Fillon annonçait 350 000 offres non pourvues. En 2008, Nicolas Sarkozy avançait 500 000 offres non satisfaites, avant que son ministre du travail, Xavier Bertrand, n’adopte le nombre de 250 000 en février 2011 ». Hélène Paris, directrice des statistiques et de l’évaluation à Pôle emploi, précisait en avril 2013 que : « parmi les 470 000 offres d’emploi retirées en 2012, environ 126 000 n’ont pas été pourvues faute de candidats »

Ces nombres d’apparence si importants sont à rapprocher des 21 millions de recrutements, dont seulement 3 millions en CDI, que notre marché du travail connaît chaque année. Si l’on admet comme valable le nombre fourni par le ministre, ces offres non pourvues ne représentent que 1,7 % des embauches totales. On peut donc retenir que 98,3 % des offres d’emploi  trouvent preneur.

Là où les choses deviennent plus graves, c’est que notre honorable ministre du Travail semble ignorer deux caractéristiques propres au marché de l’emploi. La première est que « la présence d’offres d’emploi non pourvues est tout à fait normale. Il s’agit de chômage frictionnel : tout emploi a une durée incompressible de recrutement, entre le dépôt de l’offre et la sélection d’un postulant ». La seconde est que les offres non pourvues faute de candidats ne représentent qu’un tiers de l’ensemble des offres non pourvues. Les motifs sont multiples : « inexpérience des recruteurs […], déconnexion entre l’annonce et les compétences réelles nécessaires pour le poste, pourvoi en interne, recrutement extérieur à Pôle emploi […], simple publicité sans véritable poste offert, offre trop sélective, salaire inacceptable pour la qualification requise, abandon du recrutement […] », offres fantômes.

Il est navrant de constater que celui qui est en charge du Travail semble ignorer jusqu’aux rudiments de la compréhension des statistiques de l’emploi. À croire que, précédemment inscrit à Pôle emploi, on l’ait contraint à accepter un poste ne correspondant en rien à ses compétences. Fort heureusement pour lui, jusqu’ici le salaire subsiste.


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