L'existence d'un jeune garçon et de sa famille de ses jeunes années à son passage à l'âge adulte...
La critique sur douze ans de Borat
S'il y a des projets qui mettent des années à passer par la case tournage (on l'a vu récemment avec le flop de Sin City: J'ai tué pour elle, attendu depuis 2005), Richard Linklater a fait le chemin inverse. Alors que les studios sont dorénavant dans une optique de date de sortie annoncée des années à l'avance (quitte à réaliser un blockbuster en un temps record comme ce fut le cas de X Men: First Class tourné en octobre 2010 pour une sortie en juin 2011!), Linklater a réalisé Boyhood durant douze ans. Non vous ne rêvez pas. Le réalisateur n'en est pas à son premier projet ambigu et loin des conventions: en 2005, il réalisait A scanner darkly avec des acteurs réduits en cell-shading afin de contrebalancer avec la drogue (sujet de prédilection du film); comme sur plusieurs années, il a fait tourné le duo Ethan Hawke-Julie Delpy dans la trilogie Before (Sunrise, Sunset, Midnight). Mais avec Boyhood, il fait plus fort avec les Before et signe certainement un des films les plus ambitieux de ces dernières années de par sa gestation ingénieuse et anti-hollywoodienne (l'expression "tout tout de suite" pourrait résumer cela). Montrer l'évolution d'un enfant voire d'un personnage tout court au fil des années a déjà été fait au cinéma: changez l'acteur à chaque âge (enfant, adulte, vieillard), acteurs jouant les parents grimés pour faire plus vieux... Mais montrer les mêmes acteurs sur un tournage de plusieurs années, jamais.
C'est là tout le principe. En dehors des acteurs allant et venant au cours de l'intrigue, le casting est identique sur plusieurs années: Ellar Coltrane est le jeune Mason, Lorelei Linklater (fille de) sa grande soeur, Ethan Hawke est le père et Patricia Arquette la mère. Et c'est là que le film atteint son point: en voyant ces personnages vieillir sous nos yeux, on en deviendrait presque nostalgique. On revoit les années 2000 à travers les yeux de ce jeune garçon. L'un des premiers éléments significatifs est la musique. Le film débute sur Yellow de Coldplay. Le groupe se faisait alors connaître avec ce titre en 2000 mais son influence s'est fait après 2000. Logique donc de passer par là. On voit aussi à quelle point les modes musicales partent en fumée. Au début du film, la soeur chante (pour ne pas dire massacrer) Oops i did it again de Britney Spears; quelques années plus tard on l'entendra écouter Poker Face de Lady Gaga. On voit aussi cela avec la littérature où au début, la mère lit La chambre des secrets à ses enfants, puis des années après, ces derniers vont chercher Le prince de sang mélé. Et puis il y a indéniablement la politique que l'on peut observer avec le point de vue du père. Ce dernier se révèle anti-républicain et vote démocrate, tout du moins c'est ce qu'il dit en conseillant ses enfants en leur disant "Votez tout sauf Bush"! Plus tard, ce contexte sera encore plus visible quand les enfants et lui mettront des pancartes pro-Obama tout en enlevant celles pour McCain! On voit également l'évolution des
acteurs au fil des années.
Si pour les enfants, cela paraît logique, c'est surtout sur Patricia Arquette et Ethan Hawke que la transformation physique se remarque le plus. De sex-symbol (pour ceux qui se souviennent de True Romance ou de Lost Highway par exemple), Arquette est devenue plutôt ronde (ce qui n'est pas une critique, juste un constat) quand Hawke arbore désormais traces blanches dans ses cheveux et une moustache alors qu'il était plus coutumier de la barbe de trois jours. C'est aussi ça le plus fascinant dans Boyhood: voir l'évolution de personnages au fil des années avec un naturel sans borne. On s'étonne même que personne n'en a eu réellement l'idée avant (je renvoie à ce qui a été dit plus haut) tant cela fonctionne. D'autant que Boyhood n'est pas financé par de grands studios mais par le studio indépendant IFC Films, déjà responsable de Byzantium de Neil Jordan. Un risque qui a payé au vue des critiques élogieuses et de l'Ours d'argent remis à Linklater à Berlin. Au final la vie de Mason pourrait être la nôtre: le divorce des parents, le beau-père crapricieux (ceux de ce film en tiennent une belle couche comme pour compenser avec le père absent et jovial), la mère rattrapant le temps perdu, les premiers émois, les chamailleries avec la grande soeur... Le tout filmé avec un naturel rare et avec des acteurs qui assurent (même Patricia Arquette auquel on ne s'attendait pas à la revoir aussi bien depuis bien longtemps). On pourra néanmoins soupçonné quelques longueurs vers la fin, mais après tout, on ne résume pas une vie sur 1h30.
Une fresque sur la vie impressionnante de par son réalisme et une belle promesse de cinéma.
Note: 17.5/20