Plein feux sur le sadomasochisme
Carlos Seguin nous présente un essai sur le sadomasochisme. Il décortique cette sexualité alternative prenant source dans le plaisir à travers la souffrance, et ce, en se penchant sur ses dimensions médical, philosophique, littéraire et artistique. Critique.
Anders Turgeon Dossiers Littérature, Essais
Carlos Seguin, prof émérite de rédaction à l’Université de Montréal et grand consommateur de littérature, nous propose un essai fort sympathique sur un phénomène qui semble de moins en moins méconnu, le sadomasochisme, plus communément appelé BDSM.
En effet, son essai intitulé Le sadomasochisme nous permet de nous introduire dans un univers où la sexualité se veut à la fois source de souffrance et de plaisir. Il prend un grand soin de nous détailler d’où vient le mot sadomasochisme, soit la contraction du sadisme (celui qui inflige) et du masochisme (celui qui subit). Si vous pouvez deviner la source du premier mot, je vous laisse lire l’essai pour découvrir les origines du second…
En huit chapitres répartis sur 92 pages, l’auteur retrace les premiers pas du sadomasochisme en tant que phénomène sexuel et social. Sur deux chapitres, il s’attarde sur la perspective psychanalytique du sadomasochisme selon Freud et Theodor Reik. Ensuite, sur deux autres chapitres, il discute des aspects philosophiques et sociétaux du phénomène en se basant sur l’analyse de Gilles Deleuze et d’autres intellectuels durant la 2e moitié du 20e siècle. Ayant survolé l’œuvre de Pat Califa pendant un chapitre, il termine en consacrant un chapitre sur les fantasmes sadomasochistes dans le film Romance de Catherine Breillat. Un programme chargé qui s’avère cependant d’une grande fluidité.
Bien écrit, besoin de plus d’information
Écrit dans une langue exemplaire et un style simple, l’essai de Carlos Seguin se lit assez bien malgré quelques passages
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qui demanderaient une deuxième lecture afin de saisir les propos énoncés. Malgré ce pépin, l’auteur dépeint un univers où cette forme de sexualité alternative se révèle fascinante avec son bagage médical, psychanalytique, philosophique, culturel, littéraire et artistique.
Néanmoins, je déplore que, dans le chapitre traitant du sadomasochisme au cinéma, il ne parle que du film Romance. Les films de cette catégorie ne manquant pourtant pas : Histoire d’O de Just Jaeckin, les films de Michael Haneke, Tokyo Decadence de Ryu Murakami, l’incontournable Basic Instinct, le très mauvais Body Of Evidence d’Uli Edel avec Madonna, etc. L’auteur aurait pu consacrer davantage de lignes à ces films en survolant la représentation du BDSM au cinéma.
De plus, il aurait été intéressant que Carlos Seguin consacre un chapitre à la glorification du sadomasochisme dans la culture populaire, plus particulièrement dans la mode, la musique et les arts. Il y a eu Andy Warhol avec son spectacle Exploding. Plastic. Inevitable — auquel participait le Velvet Underground — puis Jean-Paul Gauthier et sa gamme de corsets dont celui conique, popularisé par Madonna. Cette dernière a utilisé le sadomasochisme à plusieurs reprises dans ses œuvres littéraires (le livre Sex) et musicales (les vidéoclips de ses chansons Open Your Heart, Justify My Love, Erotica et Human Nature). Par ailleurs, Rihanna n’a fait que marcher dans ses traces avec sa chanson S & M.
Bref, malgré ces deux lacunes au niveau de la culture populaire et cinématographique, l’essai Le sadomasochisme de Carlos Seguin vaut le détour afin de mieux connaître ce mode d’expression d’une sexualité consacrée à la recherche du plaisir à travers la souffrance infligée par un et subie par l’autre. À lire avec ou sans menottes, cravache et crème fouettée!