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Un beau poème de Casimir Prat

Par Etcetera

J’ai trouvé ce poème dans le numéro 100-101 de la revue Arpa, intitulé Un cent d’encre, et j’ai d’ailleurs eu plusieurs fois l’occasion de parler de ce numéro, en particulier au sujet de Cédric Demangeot dont j’avais publié un poème.
Je ne connaissais pas Casimir Prat avant de lire ce poème, que je trouve très beau :

La vie ne dure que quinze jours

Si l’on retenait, simplement, dans le désordre et sans vouloir juger de leur importance respective : les quelques instants où nous sommes tombés amoureux, les quelques minutes que nous avons passées à rêver devant tel tableau ou à l’audition d’une certaine mélodie ; la demi-heure où notre regard s’est trouvé hypnotisé par le poudroiement de la lumière, une fin d’après-midi, en août, le long du tronc d’un tilleul ; la durée infinitésimale au cours de laquelle, en plongeant dans un ruisseau de montagne, notre corps a ressenti ce qu’était vraiment la fraîcheur ; le soir où nous avons détaché pour toujours notre main du barreau de fer d’un certain portail ; le matin, en nous levant, quand nous avons constaté tout le sable que nous avions encore gardé dans nos chaussures ; l’interminable seconde pendant laquelle nos doigts ont effleuré la main ou la joue d’un mort ; la fin de la matinée où nous avons enfin reconnu notre nom dans la liste des "Admissibles" ; le temps qu’a exigé pour notre esprit de réaliser que quelqu’un qui nous tournait le dos en définitive pleurait silencieusement ; l’instant où nous avons lu pour la première fois les pages qui commencent ainsi : " Longtemps je me suis couché de bonne heure " et les avons trouvées au début rébarbatives et sans grand intérêt ; la nuit où nous avons lu L’île au trésor d’un seul trait ; le moment d’angoisse que nous avons traversé en pensant qu’à sa descente du train, il (ou elle) ne nous reconnaîtrait pas ; ce bout de route en voiture, quand, à la couleur des feuilles des platanes qui la bordaient, il nous a semblé évident que les étés ne seraient plus pour nous les mêmes qu’avant ; tout cela et quelques autres broutilles, tous ces moments, dans une vie, si on les additionnait, ne devraient pas dépasser une petite quinzaine de jours, non ?

( extrait de Le sable entre mes doigts)



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