Tu l’as forcément entendu, ce refrain. Au début c’était ton pote hipster, maintenant c’est ta cousine lycéenne. Peu importe. Tu as déjà écouté quelqu’un prêcher la bonne parole, celle qui dit que pour vivre ton époque et ta jeunesse, tu dois te tourner vers l’Est. Que pour la culture, la musique et la fête, il faut se rendre à Budapest, Prague ou Varsovie mais surtout, surtout, qu’il faut aller à Berlin. Merci Erasmus, merci la muséification de Paris, merci InteRail, merci easyJet.
Aujourd’hui, tout ce qui est lié à la capitale allemande est regardé avec une attention particulière. Alors le jour où Demain Berlin est sorti en octobre 2013, il fallait s’y intéresser. D’autant plus que c’était le deuxième roman d’Oscar Coop-Phane. Quand on remporte le Prix de Flore 2012 avec un premier roman, Zénith Hôtel, à seulement 24 ans, on est forcément attendu au tournant.
Les trois héros s’appellent Tobias, Armand et Franz. Leur existence vient juste de débuter, mais elle est déjà marquée par l’ennui et la tristesse. Armand, le poseur, l’artiste en devenir, quitte Paris et son premier amour. Tobias, déjà brisé par la vie, fuit la drogue en emportant avec lui sa « sale grippe ,» et Franz cherche à réparer ses erreurs. C’est bien sûr à Berlin qu’ils vont se rencontrer et vivre ensemble, unis dans leur fuite en avant..
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L’autre grand personnage du roman, c’est la drogue. Elle est partout, dans les bars, les boîtes, les appartements. Elle sert à « fuir les néons des bureaux et les coupons de tickets restaurant » et à danser plus longtemps. Speed, kéta, GHB, cocaïne. Les substances sont nombreuses mais l’objectif reste le même : s’évader. Certains le font par « amour de la vie », d’autres pour faire une impasse sur le quotidien. Tous savent qu’ils se détruisent de l’intérieur, que le retour à la réalité sera douloureux et fade, mais ils préfèrent s’oublier. S’oublier encore un peu dans cet univers de synthèse entouré de leur amis druffis.
Et évidemment, il y a Berlin. Les plus belles pages du roman sont peut-être celles qui la décrivent. Au début, comme Armand, Tobias et Franz il y a la découverte des bâtiments lisses, des espaces immenses et de ce métro qu’il faut maîtriser. La ville finit néanmoins par se laisser apprivoiser. A pied ou à vélo, les rues, les intersections et les quartiers se distinguent. Bientôt l’hiver arrive. Plus personne ne circule, donc on reste chez soi.
Le soir, on sort retrouver les autres druffis et on se réchauffe en dansant sur de la techno ou en prenant un peu de jus dans des toilettes boueuses. On sait qu’on s’abîme, qu’on ne peut pas vivre comme ça, qu’il faudrait partir. Alors on se dit « Un jour on quittera Berlin. Mais pas tout de suite, pas ce soir, demain… »..
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Les trois personnages de Demain Berlin incarnent tous à leur façon une facette de l’auteur. Oscar Coop-Phane a travaillé dans les bars, il a connu les nuits berlinoises. Il sait de quoi il parle. La part autobiographique du roman est non dissimulée, c’est ce qui lui donne sa cohérence et son authenticité. C’était indispensable.
Aujourd’hui, les currywurst sont partout sur Instagram et il y a des guides pour entrer au Berghain sur Internet. Bref, Berlin rentre dans le rang et devient une capitale touristique comme les autres. Tu vas y aller ou y retourner. Comme tu es un lecteur de JBMT on te donne un conseil : quand l’heure de l’inévitable selfie arrivera, évite la Porte de Brandebourg, prends celle d’Ishtar.
Demain Berlin, Oscar Coop-Phane (2013)
Editions Finitude, 175 pages, 16€
Pour donner envie, le premier chapitre disponible sur le site de l’éditeur ici
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