Qu’il est étrange, ce pays où ceux qui comprennent quelque chose sont soigneusement ignorés, où ceux qui ont failli sont récompensés et où ceux qui s’éloignent du pouvoir deviennent subitement lucides ! Qu’il est bizarre, cet État dans lequel on trouve à la fois des olibrius bouffis de leur propre importance qui prennent des décisions lamentables des années durant sans jamais rendre de compte à personne, et à la fois des personnes qui, pendant les mêmes durées, fournissent obstinément des éléments de réflexion sensés que les premiers feignent de ne pas entendre.
La France est terre de paradoxe.
Prenez Christian Noyer. C’est l’actuel gouverneur de la Banque de France, et aussi celui de la Banque des Règlement Internationaux, la banque centrale des banques centrales. C’est un énarque, ce qui tendrait plutôt à le classer dans la colonne des problèmes de ce pays plutôt que dans celle des solutions. Pourtant, lors d’un récent entretien sur Europe-1, on découvre, surpris, que ce qu’il raconte n’est pas du domaine du n’importe quoi habilement enrobé de langue de bois ou d’une vision keynésienno-absurde de l’économie.
C’est assez éberlué qu’on entend ainsi un des personnages les plus importants de l’économie française balancer quelques évidences qui sonnent comme un chapelet d’hérésie en ces temps confus d’ignorance économique portée comme des étendards montebourgeois. Si l’on écarte son optimisme que je qualifierais d’un peu audacieux qui lui fait croire que la France est devant une passe décisive, à l’orée d’un sursaut ou du déclin, on ne peut s’empêcher de noter dans les réflexions de Noyer quelques éléments dont on se demande pourquoi la presse ne semble pas faire grand cas.
Ainsi, lorsqu’Elkabbach estime que la réduction de quelques dizaines de milliards d’euros des dépenses publiques, ce serait « l »austérité », on est pris de stupeur en entendant :
« Non, quand on a 4 à 5% de déficits, ce n’est pas l’austérité. »
… Comment ? On nous aurait menti depuis toutes ces années, partout, sur les ondes, sur les mauvais papiers de journaux déficitaires, dans les sites interlopes de médias dépassés mais toujours aussi grassement subventionnés ? Oooh, voilà qui est étonnant. Et ce qui l’est plus, c’est qu’apparemment, l’intervieweur politique ne semble, lui, pas du tout étonné de voir un invité qui remet ainsi les pendules à l’heure.
Au demeurant, on regrette que ce rappel de la triste réalité n’est pas fait par le même intervieweur lorsqu’il reçoit ces politiciens qui, justement, pleurnichent amèrement sur l’insupportable austérité dont tout indique qu’elle n’existe en réalité pas du tout. Qu’il serait doux et comique, l’entretien avec l’une ou l’autre pleureuse socialiste (de droite ou de gauche, leurs barrissements se valant largement), si Elkabbach trouvait le courage de leur balancer exactement la phrase de Noyer lorsque ceux-ci s’épanchent humidement sur les méchantes économies déjà réalisées (« On est à l’os, M’sieur Elkabbach, snif, snif, à l’os ! »).
Et à la surprise d’entendre enfin quelques éléments de bon sens sur les déficits abyssaux creusés depuis trop longtemps succède l’effarement ému lorsque le gouverneur poursuit sur sa lancée en expliquant que non, des impôts supplémentaires ne sont pas une panacée, et que si, si, il existe des méthodes pour réduire les déficits, abondamment décrits dans l’imposante littérature laissée par la Cour des Comptes :
Il y a des gisements d’économie très importants. (…) Il ne faut évidemment pas augmenter les impôts. (…) Mais par contre, il faut couper hardiment dans les dépenses.
Sapristi ! La solution serait donc là ? Couper (hardiment) dans les dépenses ? Mais, mon brave Christian, vous n’y pensez pas ! Ceci s’apparente à un crime évident de lèse-socialisme ! Ainsi donc, il suffirait de relire attentivement les opuscules reliés de la Cour, d’y éplucher les évidentes gabegies et autres dérapages budgétaires permanents pour, enfin, retrouver un peu de marges de manœuvre en France ?
Cela paraît à la fois trop simple et bien trop complexe. Trop simple, parce qu’après tout, la solution décrite semble au bout des doigts : on a les manuels, on sait où taper, comment, pour combien de temps et ce que ça va représenter comme effort. Fastoche. Mais d’un autre côté, lorsqu’on sait qu’on devra batailler contre l’opinion publique, les personnels directement concernés, les politiciens dont le pouvoir dépend justement des dépenses qu’ils engagent, les syndicats et les habitudes, les tonnes de mauvaises habitudes qui font du système l’énorme usine à gaz qu’on connaît maintenant, on comprend que la tâche s’avère en réalité quasiment insurmontable.
Et la situation semble d’autant plus inextricable qu’au moment où Noyer balançait ses quelques vérités sur le plateau d’Europe-1, l’ancien ministre de l’Économie, Pierre Moscovici, apprenait sa nomination comme Commissaire européen … aux Affaires Économiques. Et à ce point, difficile de ne pas toussoter : le renard se retrouve à garder les poules. Voilà qui s’annonce brillant.
C’était, bien sûr, attendu. L’Allemagne s’opposait logiquement à ce que l’ancien ministre, trimballant la corpulente marmite de son échec à Bercy, prenne ce poste au sein de l’Europe et se retrouve dans la position ambigüe de devoir être juge alors qu’il fut partie. Comme prévu, l’Allemagne a plié. L’énarque approximatif se retrouve donc à devoir évaluer les politiques économiques de la France, et constater que les déficits présentés sont tout de même un peu trop gros. Zut alors.
Le Commissaire Mosco’ se voit maintenant contraint à tancer vertement l’ex-ministre Mosco’ pour la pitoyable tenue des comptes français et l’absence de réformes structurelles évidentes qu’il aurait fallu lancer depuis des années. Voilà qui est piquant, d’autant que, ce faisant, il tend à rejoindre, petit-à-petit, les remarques de Noyer dont, au contraire de l’ex-ministre, on peut admirer la constance du message des années durant.
Et ce poste obtenu, se pose à présent la question de la crédibilité d’un homme qui va devoir faire semblant d’écouter le même Noyer, qui, en tant que gouverneur de la Banque de France, dispose d’un siège à la BCE, institution dont le commissaire devra évidemment tenir compte en ces périodes financièrement rock’n’roll. Autrement dit, il va devoir faire l’exact contraire de ce qu’il a fait pendant les deux années où il sévissait à Bercy. Et si, du point de vue européen, la situation ne manque pas de sel, du point de vue français, elle tourne carrément au vinaigre puisque c’est le même type qui n’a pas arrêté de bobarder sur les déficits français pendant deux ans qui se retrouve maintenant à devoir distribuer des leçons de bonne conduite économique.
Je le disais en introduction : la France est terre de paradoxe, et nos aigrefins socialistes ne sont pas les derniers à en fournir des brouettées. Comme le faisait judicieusement remarquer Baptiste Créteur dans un récent édito sur Contrepoints, les chantres des politiques menées jusqu’à présent, Moscovici compris, se retrouvent à présent à les débiner largement pour s’assurer un avenir politique alors qu’ils ont, semble-t-il, misé sur l’échec des actuels tocards au gouvernement.
De ce point de vue, le nouveau Commissaire, ne craignant absolument pas pour sa propre crédibilité, s’est mis bien à l’abri des déboires qui pourraient arriver à la France prochainement. Parce que question réformes, il va falloir faire vite : si les taux d’intérêt auxquels se négocient actuellement la dette française devaient remonter, le pays se retrouvera très vite en cessation de paiement. La mise sous tutelle, alors inéluctable, risque bien de renvoyer Valls et son gouvernement dans des limbes douloureuses. Cette catastrophe servira-t-elle d’électro-choc pour une classe politique déconnectée des urgences actuelles ?
On peut en douter.
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