La journée du samedi à Vevey a été merveilleuse. Le dernier marché folk de l’année a été l’occasion pour boire quelques verres à midi et de socialiser avant d’aller plonger dans le lac. Pour un été moisi, celui-ci aura été un de ses plus beaux jours : le soleil tapait et il faisait chaud. C’est dans cette atmosphère hawaïenne que démarra le deuxième soir du festival Nox Orae, au bord du Léman, à la Tour-de-Peilz. Celui-ci commença avec le rock bruitiste et répétitif des locaux Marilou. Le trio veveysan avait incorporé cette fois-ci un saxophone à ses compositions délirantes, ce qui donnait un air free-jazz et lynchéen à sa musique.
Entre poésie concrète, une cadence empruntée au psychédélisme minimaliste allemand des années 1970, le kraut rock (Can, Neu) et des échappées soniques et post punk, Marilou s’est fait un nom sur la scène veveysane grâce à leurs performances brutes et radicales, lesquelles peuvent varier vers des ambiances denses et compactes. Avant-gardistes avant tout, ces musiciens pourraient être rapprochés des brillants Diabologum, peut être un des meilleurs et des plus mal connus groupes français, lequel ces vaudois ne repèrent paradoxalement pas. Les romands enregistrent un premier album en ce moment, à espérer que celui-ci vienne confirmer leur stade de promesse.
Ensuite, ce fut le tour aux anglais d’Esben and the Witch de distiller sur la scène de la Nox Orae leur rock teinté de couleurs tribales et gothiques. L’Angleterre du Moyen Âge, païenne et sorcière, celle de Macbeth de Shakespeare, était au rendez-vous. Impossible de ne pas penser au Cure de Pornography (1982) ou à Dead Can Dance. The Cranes et Siouxsie and The Banshees viennent aussi à l’esprit pendant le concert captivant du trio formé en 2008. La voix possédée et litanique de la bassiste Rachel Davies en est sans doute la raison. La performance fut envoutante et transporta le public vers des eaux noires, troublantes et profondes, le tout couronné par l’ombre des arbres à la lumière de la pleine lune et par les glapissements des loups, dans une cérémonie mystérieuse et initiatique.
Après les anglais, Warpaint arrivèrent sur scène pour hypnotiser le public avec leurs voix de sirènes. Les californiennes charmèrent l’assistance avec une ambiance envoutante et intense, en reprenant les meilleurs morceaux de leurs trois disques : l’EP EXQUISITE CORPSE (2007) et les albums THE FOOL (2010) et WARPAINT (2013). Avec une prédilection pour les mid-tempo trippants et les rythmes électroniques joués à la batterie, ce quatuor a confirmé de loin la place qu’il occupe à côté de Savages comme un des meilleurs groupes féminins, actuellement. Les nord-américaines ont d’ailleurs joué plusieurs fois à Glastonbury et ont travaillé avec le mythique Andy Weatherall (le producteur de SCREAMADELICA de Primal Scream). Les musiciennes étaient ravies d’être sur la Riviera et elles ont apprécié le cadre idyllique du festival Nox Orae.
La soirée s’acheva de façon illustre avec les veveysans de Solange La Frange. Le trio a su enflammer le public grâce à leur mélange explosif de rock et électro. La chanteuse Julie Hugo était accompagnée sur scène par deux choristes aux chorégraphies sexy et festives : Tania Bochud (du groupe fribourgeois Mmmh !) et Laure Bétris (Kassette). L’occasion était spéciale : il s’agissait pour les locaux de présenter leur nouvel album, MOVEMENT (2014), pour la première fois dans leur ville d’accueil. L’électroclash de Peaches ou le digital hardcore d’Atari Teenage Riot étaient parmi les sons qui pourraient se rapprocher de la musique de Solange la Frange ce samedi 30 août à la Nox Orae, quoique leur énergie fût unique et personnelle. Ce fut la meilleure façon de finir une soirée dans une ambiance joyeuse.
Donc, cette édition de la Nox Orae fut une réussite absolue. La programmation était parfaite et les performances impressionnantes. Le futur s’annonce brillant pour cet événement qui rejoint la qualité exceptionnelle de Kilbi – le meilleur festival du monde – au niveau des choix et qui bénéficie d’un cadre fabuleux.