Pierre Luccin – Le sanglier [Finitude, 2014]
Article écrit pour Le Matricule des Anges
Le sanglier est le dernier texte d’un écrivain qui, au soir de sa vie, a reprit une plume pourtant lâché 50 ans auparavant suite à une série de romans publiés chez Gallimard et cinq années d’indignité nationale pour avoir eu la mauvaise idée de publier quelques nouvelles dans des journaux collaborationnistes. Le roman de Pierre Luccin (1909-2001) est une fable révoltée que son auteur voulait autobiographique et qui pour être un peu prévisible n’en manque malgré tout pas de panache.
Daniel Braine est de retour au village après la guerre, il a perdu femme et enfant et se retrouve vite en butte contre tout et tous, face à l’éternelle médiocrité des uns et des autres. Le révolté, bien sûr c’est lui, qui quittera bientôt le village pour une vie au contact des bois, au plus près de leur faune et de leur flore. Notre homme, c’est entendu, méprise l’autorité, la pantomime sociale, cette humanité qui lui apparait d’une immense veulerie. Le retour à la nature sera donc synonyme d’une quête effrénée de pureté, le genre d’idéalisme qui ne peut que finir mal.
Si la fable en soi n’a rien d’original – avec ses fonctionnaires butés et imbéciles, ses jeunes vendangeuses rubicondes et souriantes et ses sangliers fiers et forts – c’est le style de Luccin qui en fait le sel ; une écriture qui plutôt que daté, se révèle de manière surprenante comme hors du temps. Le lyrisme est contenu, sec comme une trique, et le pouls certain, ce qui n’empêche pas à ces lignes d’offrir une belle place à la nature et aux sous bois, personnages certainement pas subsidiaires.