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[évènements] Hommage à la poète iranienne Simine Bahbahani

Par Florence Trocmé

Alain Lance a demandé à Farideh Rava de préparer un dossier en hommage à la grande poète iranienne Simine Behbahani, disparue ce 19 Août 2014.   
 
 
Simine Behbahani nous a quittés à l’âge de 87 ans. Née en 1927, elle publié son premier poème à l’âge de 14 ans. Après des études de droit, elle a enseigné aux écoles et a publié son premier recueil en 1951. Bien qu’au fait des innovations de Nimâ et de la Nouvelle Poésie (Cher –é No), elle a choisi de privilégier la forme du ghazal auquel elle a donné une nouvelle vie. À partir de 1964 elle a commencé une longue collaboration avec le conseil de musique de la radio télévision iranienne. Elle a composé plus de 300 chansons pour les grands chanteurs. Elle nous offre un vaste éventail de poèmes d’amour et des poèmes aux résonnances sociales contre toutes formes d’injustices. Ce qui distingue Simine Behbahani des autres poètes c’est son attitude face à chaque évènement social et politique. Nous pouvons suivre l’histoire du pays à travers ses poèmes. Elle a toujours eu une parole juste et franche ; ce qui lui a valu des attaques de tous bords. Après la révolution de 1979, elle a adhéré à l’Association des Ecrivains Iraniens et a ouvertement condamné les emprisonnements, les exécutions et la guerre. En 2009, elle a obtenu le prix Simone de Beauvoir et en 2013 le prix Janus Pannonius. « Patrie, je te reconstituerai », une de ses compositions, a été chantée par Chahram Nazéri lors de ses obsèques.  
 
[Farideh Rava] 
 
 
Poème traduit du persan par Leili Anvar,  Revue Europe, n° 997, mai 2012 
Littérature d’Iran 
 
Pour quoi faire ? 
 
Pour quoi faire ? Pour regarder deux cents ans durant 
L’injustice et la misère ? 
Pour que mes jours deviennent nuit 
Que mes nuits retournent à l’aurore ? 
Pour qu’à chaque aurore, je voie derrière la vitre  
Grimacer le soleil et qu’alors 
Je regarde venir un jour nouveau 
Habitée d’une haine dense ? 
Avant même d’avoir porté à mes lèvres le thé amer 
Reprendre la lutte tortueuse et me dire 
Qu’il faut redire, pour se souvenir, 
Le conte des démons de Balkh. 
 
Cage, le monde entier est une cage 
Une envie de fuir me monte à la tête 
Revêtir le manteau des départs 
Recouvrir ma tête d’un fichu. Partir 
Où ? Vers la rue de nulle part 
Dans la corruption et la stagnation et la fumée 
Afin de pouvoir enfin 
Dans le chagrin de ce qui est et ce qui n’est pas 
Exhaler ma plainte contre les injustices 
Vous m’avez rappelée, je sais 
Mais tous les amis sont dans la peine 
Les plonger encore plus dans le malheur 
Pour quoi faire ? Pour renaître plus fraîche ? 
Pour quoi faire ? Pour que vos braves médecins 
Trouvent le moyen de me guérir ? 
Prendre des risques. Reprendre ma valise. 
Revivre l’appel du départ 
Et si ce cœur redevenait neuf  
Et si de ces yeux, le voile se levait 
Et si je revenais parmi vous en poèmes 
Pour semer encore le trouble et le vacarme ? 
Mais ne suis-je pas déjà trop enfoncée dans les neiges 
Pour pouvoir m’en extraire un jour ? 
Le mal est profond, je ne crois pas 
En relever la tête un jour 
 
Ô compagnon de toujours, toi qui m’es cher 
Abandonne-moi au sommeil de l’hiver 
Peut-être, par l’indulgence d’un oubli 
Y trouverais-je le repos du corps et de l’esprit ? 
Si la brise du printemps pouvait atteindre 
Mes nerfs desséchés 
Peut-être que je pourrais féconder mon corps 
De la sève verte des bourgeons…  
(Farvardin 1380
Mars 2001 


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