Breathless est une série de six épisodes qui a été diffusée en 2013 sur les ondes d’ITV en Angleterre et l’est depuis la fin août 2014 sur les ondes de PBS aux États-Unis et au Canada. L’action nous transporte en 1961 alors que l’on suit les tribulations d’un groupe de médecins et d’infirmières travaillant dans un hôpital de Londres. Parmi les personnages principaux, on compte le brillant chirurgien Otto Powell (Jack Davenport) qui le soir, procède clandestinement à des avortements, Jean (Zoe Boyle), une infirmière qui est sur le point de se marier avec médecin de l’endroit, Richard Truscott (Oliver Chris) et Angela (Catherine Steadman), la remplaçante de Jean qui est tombée dans l’œil d’Otto, au grand déplaisir de son épouse Elizabeth (Natasha Little). Adultères, chantage, mensonges et traitements de patients sont les principaux thèmes de la série, lesquels s’agencent très mal ensemble. On a surtout l’impression qu’on a privilégié la facture visuelle (qui est impeccable) au détriment du scénario qui tombe rapidement dans les clichés, ou du moins la perception trop facile que l’on se fait des stylisées années 60. On se demande d’ailleurs ce que cette fiction fait dans le programme Masterpiece de PBS qui jusque-là ne nous avait que rarement déçu.
Un bien beau contenant
Les premières scènes nous donnent vite le ton du climat et des mœurs de l’avant-révolution sexuelle. Otto est appelé à procéder à un avortement dans un lieu clos avec pour seuls instruments sa trousse alors qu’à l’opposé, Jean est tout excitée du fait qu’elle se mariera bientôt avec Richard et qu’elle pourra enfin laisser son travail pour devenir… une parfaite ménagère. Et si le mariage semble précipité, c’est qu’elle est enceinte de son fiancé. Normalement, elle assiste Otto dans ses opérations clandestines, mais ce rôle échoit désormais à Angela qui est en vérité la sœur de Jean. Pendant au moins quatre épisodes, ces deux femmes tentent de cacher à tout le monde leur lien de parenté. Entre-temps, ça gronde chez les Powell alors qu’un inspecteur de police, Ronald Mulligan (Iain Glen) vient confronter Elizabeth. C’est qu’il y a longtemps (« back in Cyprus » : cette phrase sera répétée une bonne trentaine de fois), il a accepté de l’argent en échange de son silence concernant un drame impliquant Otto. Sans que l’on ne sache trop pourquoi, c’est maintenant qu’il veut faire éclater la vérité au grand jour et menace l’épouse Powell de dévoiler des photos compromettantes qu’il a en sa possession. Bien qu’Élizabeth sache de quoi il en retourne, on laisse languir le téléspectateur en n’abordant jamais le sujet de front.
Pour en revenir à Jean, rien ne se passe comme prévu. Le jour de son mariage, elle fait une fausse couche, mais épouse quand même Richard. Puis, la vie de femme foyer se révèle être un vrai désastre. Elle ne sait quoi faire de ses dix doigts, s’essaye sans grande conviction à faire la cuisine, le tout, sous l’œil réprobateur de ses beaux-parents. Pour ne rien arranger, Richard n’est jamais auprès d’elle. C’est qu’il a renoué avec une ancienne flamme, Margareth Dalton (Sarah Parish).
D’entrée de jeu, il faut souligner que la série, du point de vue esthétique, a tout pour charmer les nostalgiques. La plupart des intrigues se déroulent dans un milieu bourgeois, ce qui est un bon prétexte pour nous montrer les femmes dans toute leur splendeur arborant avec grâce des tailleurs ou robes de soirées étriqués (Elizabeth par exemple, semble être tout droit sortie d’un Hitchcock et sa ressemblance avec Grace Kelly est troublante). La musique de jazz est envoûtante, de même que les cabarets où tout ce beau monde fait la fête avec un martini à la main.
Les amoureux de Mad men ou Masters of sex seront tentés par ce genre de série, mais passé le premier émerveillement, l’ennui nous gagne rapidement en raison d’une ligne directrice trop floue. Lorsque dans les premières scènes on se met à aborder la question de l’avortement, on s’imagine (à tort) que ça occupera une place centrale dans le scénario, comme c’était le cas avec les grossesses dans Call the midwife. Outre quelques cas, ce thème n’est jamais abordé de front, si ce n’est d’Otto qui pour se justifier, affirme quant à la loi qu’elle : « makes miserable lives and miserable women ». Mais le protagoniste n’a rien d’un justicier, étant plus occupé à lorgner en direction d’Angela. Et c’est à ce moment que l’on tombe dans les clichés reliés à l’époque : presque tous les hommes de Breathless trompent leurs femmes et celles-ci n’ont d’autre choix que de se morfondre en secret, derrière leur image de femmes impeccables et discrètes.
Intrigues escamotées : stratégie de programmation de PBS
Lors de la diffusion originale d’ITV en Angleterre, chaque semaine on nous proposait un épisode d’une heure, sans pause. De son côté, PBS (qui devait avoir ses raisons) a décidé de nous offrir trois diffusions de 90 minutes chacune. D’une part, tout un épisode sans pauses est assez lourd à digérer, d’autant plus que les intrigues avancent à pas de tortue. D’autre part, les « climax » sur lesquels se terminait chacun des six épisodes sont escamotés par la demi-heure rajoutée par PBS chaque semaine, si bien qu’ils se finissent tous en queue de poisson. Puis, l’immobilisme des intrigues débloque enfin… dans les 15 dernières minutes de la série, à un point tel qu’on en perd notre souffle (d’où peut-être le titre). Malheureusement, c’est trop peu trop tard. On nous fait tellement languir qu’en fin de compte, certaines des résolutions ne sont pas à la hauteur de nos attentes. En fin de compte, on nous laisse sur une foule de petites interrogations sensées entamer une seconde saison… sauf que ITV a annulé la série.
En Angleterre, Breathless a attiré 3,4 millions de téléspectateurs pour sa première, mais ils n’étaient plus que 2,11 pour la finale. Quelquefois, il faut davantage que du clinquant et de l’esthétisme pour retenir son auditoire. Mais ce qui déçoit toujours le plus est lorsqu’on nous laisse en plan avec plusieurs suspens et qu’en fin de compte, on apprend qu’il n’y aura pas de suite, ce qui a été le cas dernièrement avec Hung, Médecins de combats ou Deception. De toute façon, on aura vite oublié cette série et on peut toujours donner rendez-vous à PBS le 28 septembre pour la première de la seconde saison de The Paradise.