Irak - déplacement présidentiel : l’humanitaire n’est pas un outil de gestion de crise politique
Publié le 12 septembre 2014 par Cmasson
Depuis l'été, la France ainsi qu’un certain nombre de pays livrent des armes tout en délivrant une aide dite « humanitaire » aux populations prises au piège des combats. Si la solidarité entre Etats est plus que souhaitable, la politisation de l’aide humanitaire par des pays et gouvernements impliqués directement ou indirectement dans des conflits a des effets dévastateurs à court et long terme. Action contre la Faim constate une dérive grandissante de la part du monde politique et militaire avec l’utilisation croissante du terme humanitaire dans la description de problèmes politiques et militaires. Cette confusion conduit à associer l’action humanitaire indépendante et impartiale aux parties des conflits. Cela ne fait qu’augmenter la méfiance et la violence à l’encontre des travailleurs humanitaires civils, et met ainsi en danger l’aide humanitaire aux populations dans son ensemble.
Par ailleurs, Action contre la Faim tient à rappeler qu’en Irak, aujourd’hui, ce sont bien toutes les communautés qui subissent le conflit. Les besoins sont immenses : 1,8 millions de personnes ont fui les combats et se sont déplacées à l’intérieur du pays, dont 620 000 durant le seul mois d’août. Aux besoins de ces familles déplacées, il faut ajouter ceux des 220 000 Syriens déjà réfugiés dans le pays. Une aide qui ne serait pas fondée sur les uniques besoins humanitaires évalués sur le terrain, mais prendrait en compte des critères politiques, ethniques ou religieux ne ferait qu’approfondir les tensions et le conflit.
L’accès aux populations dans les pays en conflit est déjà une gageure en temps normal mais les interventions étrangères en Irak depuis 2003 et les confusions qu’elles ont engendrées ont compliqué encore la situation. A l’exception des Irakiens qui ont réussi à pénétrer au Kurdistan, la majorité des familles n’ont aujourd’hui que très peu accès à l’aide humanitaire du fait de l’insécurité. Il est crucial de faciliter l’accès des organisations humanitaires aux victimes, mais cela en respectant les principes humanitaires d’impartialité et d’indépendance et en fondant toutes les actions sur les seuls intérêts et besoins des populations affectées. Une distinction nette entre travailleurs humanitaires et forces armées est donc essentielle.
Pour rappel, la France et tous les pays européens sont signataires du « Consensus européen sur l’aide humanitaire » et se sont ainsi engagés à respecter ces principes humanitaires. Comme l’explique Mike Penrose, directeur général d’Action contre la Faim : « l’assistance venant de civils destinée à des civils quand ceux-ci en ont le plus besoin, indépendamment de tout objectif autre que le respect des droits et de la dignité que chacun mérite ne peut en aucun cas être un outil à la poursuite d’objectifs politiques, ni une solution ».
Lire aussi : la tribune de Mike Penrose, directeur général d’Action contre la Faim