Qui est ce Sobidor ?
Notre homme, Monsieur.
Ce nom, d’où vient-il ?
Du Chili.
Je veux son histoire en bref.
C’est un dur, Monsieur, un tueur sans état d’âme.
Son histoire, Arthur, sans préambule.
Voilà. Nous l’avons accueilli juste après la déconfiture d’Allende ; il était communiste, il s’est converti, maintenant il a compris qu’il n’y a pas de vie en dehors du capitalisme.
Du libéralisme, Arthur, aujourd’hui, on parle de libéralisme. Ça ne fait de lui un tueur. Pas encore.
Il l’est devenu pour gagner de l’argent sans trop de peine. C’est ce qu’il raconte volontiers.
Mais il y a une peine en dessous de ça, Arthur. Tu vas me dire de quoi il s’agit.
J’y arrivais, Monsieur. Sa femme et sa fille ont péri lors du massacre de l’hôtel Paradis en 1990. Il est devenu fou, il a perdu les pédales, il s’est juré de se venger.
C’est un exalté et tu sais ce que je pense des exaltés.
Mais c’est notre homme, Monsieur. Nous prenons entente avec lui et il fera le travail proprement.
Que ferons-nous quand il aura livré la marchandise ? Nous nous en débarrasserons pour qu’il n’y ait pas trace de notre action. Tu es d’accord ?
Non, Monsieur, impossible. Il soignera ses arrières. Il connaît la machinerie. S’il se doute que nous voulons le liquider, il disparaîtra et nous n’aurons plus de repos.
Il ne doit pas nous dicter notre conduite, c’est clair, Arthur ?
Oui, Monsieur. Il veut surtout préserver sa vie. Il est jeune, en santé et n’a pas encore assouvi sa haine.
Où est-il en ce moment ?
Il attend mon appel.
Il nous coûtera cher ?
Très cher, Monsieur. Une bonne part du budget spécial. Mais comme il n’y a pas d’action urgente au programme de ce semestre, on s’en remettra rapidement. Vous avez l’accord du ministre, Monsieur ?
Le sien propre et celui du premier ministre. Que ferons-nous de lui quand il aura accompli son méfait ? Vous le savez, Arthur ?
Je propose de l’envoyer en Afrique du Sud.
Il se plairait là-bas, dans ce pays violent ?
Pour un temps, Monsieur. Il possède un ranch près de Pretoria et je crois savoir qu’une femme l’y attend.
On peut l’acheter, cette femme ?
Il m’a signifié de ne pas tenter ce coup-là. Il a dit que c’est une tactique d’imbécile.
Il voit tout venir. Je n’ai pas confiance, Arthur. Cette bête-là me semble bien rétive. Tu sais pourquoi je suis assis dans ce fauteuil, Arthur ? C’est parce que je ne me laisse pas conduire par tous les trous de cul d’agents spéciaux ! Toi, tu les écoutes, tu penses à eux avant de penser aux intérêts de ton pays. Tu resteras toujours un subalterne.
Je sais, Monsieur, mais j’aime mon travail. Je crois aussi qu’il ne faut pas se priver définitivement des services des hommes les plus précieux. Les tueurs de ce calibre ne courent pas les rues.
Comment être assuré de son silence ?
J’ai pleine confiance en lui, Monsieur.
S’il arrive la moindre peccadille, tu paieras, Arthur, ça te coûtera ton poste.
Je le sais. Je suis prêt à courir ce risque.
C’est bon. Tu l’appelles, tu lui verses la moitié de la somme, tu commandes l’assassinat pour jeudi le treize de ce mois, tu fais tout ce qu’il faut pour me l’embarquer sur un avion, direction l’Afrique Mandela avec le restant de son salaire. Le vendredi matin au plus tôt, tu convoques les journalistes pour une conférence de presse. Le premier ministre tient à exprimer ses regrets de n’avoir pas su préserver la vie de son illustre invité. J’y serai moi aussi pour faire connaître toutes les mesures prises pour retrouver les assassins. Tu m’accompagneras pour expliquer les points plus techniques.
Notice biographique
(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche :https://maykan2.wordpress.com/)
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