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Pauvreté, miroir des échecs politiques

Publié le 11 septembre 2014 par Jean-Emmanuel Ducoin
Méfions-nous de certains chiffres. Et plus encore de leur éventuelle interprétation. Selon des statistiques publiées hier par l’Insee, la pauvreté toucherait légèrement moins de Français. Il y aurait tout lieu de croire que la situation s’améliore. Grave erreur ! Cette statistique n’est qu’un trompe-l’œil. Entre 2008 et 2011, près d’un million de personnes supplémentaires étaient passées en dessous du seuil de pauvreté. Si cette tendance a subi une «pause» en 2012, les auteurs du rapport ne cachent pas que la pauvreté «gagne en intensité», d’autant que le niveau de vie médian a, une nouvelle fois, baissé de 1%. Les plus pauvres sont de plus en plus pauvres ; les plus riches, de plus en plus riches. Quant au principal chiffre, il donne le vertige: 8,5 millions de Français, près de 14% de la population, vivaient avec moins de 987 euros par mois en 2012. Comment ne pas croire que, depuis, cette situation s’est encore aggravée? Résumons donc la réalité d’une simple formule: la majorité des Français continue de s’appauvrir, dans des proportions qui signent l’état d’urgence absolue. Car la pauvreté n’est rien d’autre que le cruel miroir des échecs politiques de nos gouvernants. Avec le morcellement du travail, la précarité salariale et la multiplication des formes «atypiques» d’emploi, chacun peut constater que le recul du pouvoir d’achat frappe dans la masse, et d’abord les plus faibles. Sans oublier bien sûr l’explosion du chômage, qui concerne non pas 3,5 millions de personnes mais plus de 6 millions. Ce vrai chiffre – effrayant pour un pays qui se vante d’être la cinquième puissance mondiale – correspond à l’ensemble des inscrits dans les cinq catégories de Pôle emploi. Jamais les responsables des associations caritatives n’ont autant exprimé leur « détresse » de ne plus pouvoir assurer les « missions élémentaires » que la société, laminée dans ses profondeurs, attend désormais d’elles. N’ayons pas peur des mots. C’est la République elle-même, et son idéal originel d’égalité, qui vacille. La simple indignation morale ne suffit plus. Du moins quand on est vraiment de gauche. [EDITORIAL publié dans l'Humanité du 10 septembre 2014.]

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