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Une usine autorisée à polluer... un Parc naturel protégé
Non vous ne rêvez pas ! Le Conseil d'administration du Parc national des Calanques a autorisé (30 voix pour, 16 contre, 2 absentions) l'usine Alteo (ex-Péchiney), qui produit à Gardanne (Bouches-du-Rhône) de l'alumine à partir de bauxite, l'autorisation de continuer à rejeter en mer des "eaux de procédé" chargées de métaux lourds dont l'aluminium, le "fer total" et l'arsenic - qui dépassent en plus les seuils légaux de toxicité - pour encore 30 ans !
Ces rejets s'accompagneront de "meilleurs contrôles et d'un meilleur suivi des eaux rejetées", a essayé de rassurer le président du Parc...
Il faut noter que le Parc national des Calanques a été créé en avril 2012 "dans le cadre des objectifs de la stratégie nationale pour la création et la gestion des aires marines protégées du Ministère de l'Ecologie". Il est un réservoir de biodiversité terrestre et marine. On y dénombre près de 140 espèces protégées.
L'Ecologie contre l'emploi
Comment est-il possible que le Conseil d'administration d'un Parc naturel protégé puisse donner l'autorisation à un industriel de continuer à polluer ? "L'interdiction du rejet des effluents de l'usine mettrait en péril des centaines d'emplois" menace le groupe franco-américain HIG qui a racheté l'usine en août 2012 et qui a demandé le 19 mai dernier une prolongation de l'autorisation de polluer. Ce lundi 8 septembre, pendant que des écologistes manifestaient devant le bâtiment qui abritait le conseil d'administration, la CGT menaçait d'une contre-manif, pour défendre l'usine et ses 400 salariés... sans compter que l'usine fait travailler 300 sous-traitants.
Une usine qui pollue depuis plus de 50 ans
Il faut savoir que cette usine déverse en mer les déchets de son exploitation d'alumine, les fameuses boues rouges, depuis 1966.
L'alumine est utilisée dans la fabrication des abrasifs, du verre, des écrans LCD, de la céramique en électronique, etc. Une fois extraite l'alumine, à l'aide de soude et d'eau, il reste des quantités de déchets chargés de métaux lourds. C'est ce que l'on appelle les "boues rouges".
C'est dans le canyon de Cassidaigne, situé à 7,7 km de Cassis (Bouches-du-Rhône), par 320 m de fond exactement, que l'usine déverse ses boues rouges. Plus de 20 millions de tonnes y ont déjà été déversées...
Quel est l'avis de Ségolène Royal ?
La ministre de l'Ecologie Ségolène Royal a marqué sa désapprobation via le site Internet Twitter. "Le CA du parc des Calanques a émis un avis positif aux boues rouges. Je ne donne pas de feu vert. Contrôles complémentaires indispensables", a-t-elle commenté dans un premier message complété par un second précisant que "parc naturel des Calanques et boues rouges : l'avis du CA n'est qu'un avis. En aucun cas une autorisation que je ne donnerai pas en l'état". Mais Ségolène royal ne dit pas être fermement opposée au projet...
Des raisons d'être inquiets
Quelle est l'évolution chimique de ces résidus, en mer ou sur terre ? Quels sont les risques sanitaires pour l'écosystème méditerranéen et pour l'homme ?
Yves Lancelot, membre du conseil d'administration du parc, océanographe et ancien directeur de recherche au CNRS, a fait part de son désaccord sur cette autorisation de polluer. "C'est dramatique, ça me choque beaucoup", a-t-il commenté à l'issue du vote, expliquant qu'"on ne connaît pas [les risques], c'est bien le problème ! Pour le moment, il y a des inconnues énormes", rapporte l'AFP. Par ailleurs rapporte La Provence, il a émis de sérieux doutes sur la possibilité de "vérifier réellement ce que fait l'industriel", ajoutant que l'opérateur de l'usine "va continuer à faire le minimum syndical, comme il l'a toujours fait".
"L'industriel a réussi à gagner encore des années avec l'aval de l'Etat", a également déploré Olivier Dubuquoy, au nom du collectif "Stop aux boues rouges en mer".
L'usine Alteo va ainsi continuer à rejeter (presque) tranquillement ses déchets toxiques en mer... à polluer un espace protégé, les poissons qui s'y trouveront et finalement les Hommes qui les mangeront !
Stella Giani