Alors que la démence touche actuellement environ 36 millions de personnes dans le monde, l’impact de la consommation à long terme de tranquillisants et de somnifères sur le risque de développement de la maladie d’Alzheimer devait être précisé.
Cette étude cas-témoins, menée par Sophie Billioti de Gage (INSERM, Université de Bordeaux) en collaboration avec une équipe canadienne, a porté sur 2.000 participants, âgés de 66 ans et plus, échantillonnés à partir de 1.796 personnes avec un premier diagnostic de la maladie d’Alzheimer, suivis pendant au moins 6 ans, appariés à 7.184 témoins pour le sexe, l’âge et la durée de suivi. Afin de pouvoir étudier la relation entre le risque d’Alzheimer et l’exposition aux psychotropes, les participants devaient avoir commencé leur traitement par benzodiazépines au moins 5 ans avant.
L’analyse confirme une relation dose-dépendante entre l’exposition cumulée aux benzodiazépines, au-delà des indications de prescription, et le risque de maladie d’Alzheimer.
· Une utilisation cumulée < 3 mois (< 91 doses journalières prescrites) n’entraine aucune augmentation du risque,
· une utilisation > 3 mois des benzodiazépines, dans les 5 dernières années, est associée à une augmentation de 51% du risque, et même après ajustement avec les facteurs de confusion possibles comme l’anxiété, la dépression et l’insomnie (43%),
· le risque augmente avec l’intensité de l’exposition (de 91 à 180 doses journalières prescrites)
· enfin, une exposition de plus de 180 jours double le risque (+84%).
Une utilisation de long terme des benzodiazépines est donc bien associée à un risque accru de maladie d’Alzheimer. La force de l’association observée pour des expositions à long terme suggère une relation directe, écrivent les auteurs, sauf à considérer que la consommation de benzodiazépines en elle-même puisse aussi être un marqueur précoce d’un état associé à un risque accru de démence.
Ainsi, si les benzodiazépines restent des outils précieux pour la gestion des troubles de l’anxiété et de l’insomnie transitoires, les traitements doivent être de courte durée (< 3 mois). Des implications importantes en Santé publique en regard et de l’importance de la consommation de ces psychotropes et de l’incidence croissante des démences. Dans la même revue, le Pr Kristine Yaffe de l’Université de Californie – San Francisco souligne qu’il n’existe aucun suivi spécifique de ce risque cognitif alors que près de 50% des personnes âgées utilisent ces médicaments.
Source: BMJ 09 September 2014
BMJ2014;349:g5205 Benzodiazepine use and risk of Alzheimer’s disease: case-control study
BMJ2014;349:g5312 Benzodiazepines and risk of Alzheimer’s disease