Ça y est, on est reparti pour des mois de baby fever, Kate Middleton est enceinte….quoique, ça déchaîne beaucoup moins l’enthousiasme de la presse que sa première portée grossesse. Il faut dire aussi qu’elle a mal choisi son moment, l’actualité nationale et internationale est chargée, pas besoin de meubler avec les frasques des Royals. Et le deuxième bébé chez les Windsor, ce n’est que la roue de secours, le gamin de rechange au cas où le premier s’avèrerait défectueux. Regardez Harry, il est certes désopilant, mais comme William fait l’affaire, on n’en a plus besoin, on ne sait plus quoi en faire. Résultat, il s’étiole, il se morfond vaguement dans l’armée et il est obligé de faire le malin dans des tenues que la morale réprouve pour se faire remarquer. Si c’est pas triste!
(La photo vient de Telegraph.co.uk)
Mais il n’y a pas que Kate qui accouche dans ce pays, ça arrive à de simples mortelles aussi. J’avais déjà raconté ma petite expérience de la chose, il y a longtemps, mais j’ai pensé que c’était le moment de vous resservir tout ça, en condensé quand même, on ne va pas y passer 9 mois!
Tout d’abord, tout le monde est inscrit ici au NHS, le National Health Service. Donc, quand vous décidez, par pure bonté d’âme pour rassurer Marichéri qui s’inquiète pour rien, d’acheter un test de grossesse à la pharmacie alors que vous êtes sûre que ce sont les huîtres qui passent mal, vous n’avez jamais mis les pieds chez un gynécologue et encore moins un obstétricien anglais. C’est soit le médecin généraliste (le GP), soit l’infirmière gynécologue. On ne va voir un spécialiste que sur ordonnance de son généraliste, si il pense qu’il y a un problème. Mais ça vous fait bien rire, puisque de toute façon, le test sera négatif. Le premier affichant bêtement que vous êtes enceinte au bout de trente secondes, il est défectueux.( "mais siiiii, regarde c’est marqué sur la notice, il faut attendre deux minutes, pas 30 secondes. Celui là est cassé"). Au bout du cinquième test toujours positif, il faut se rendre à l’évidence, il y a quelqu’un.
Et maintenant, on fait quoi? On va chez son GP, qui contacte alors la maternité publique la plus proche, pour faire une échographie qui sert à dater la grossesse et le service de sages femmes dont vous dépendez. Dans mon cas, c’est celui de l’hôpital, mais dans les campagnes il y a de plus petites unités, et les sages femmes se déplacent à domicile. Ensuite, on rend régulièrement visite au service antenatal de son hôpital, pour voir les sages femmes, et une fois ou deux fois un obstétricien. Vous pouvez opter pour un suivi 50/50: moitié au cabinet médical où vous êtes inscrite, avec l’infirmière, et moitié au service antenatal, ou 100% à l’hôpital.
Il y a une deuxième échographie, où l’on vérifie que tout va bien dans le développement du bébé. Ce n’est que si il y a un problème que vous verrez un spécialiste. Une parenthèse: est ce que quelqu’un réussit vraiment à distinguer quelque chose sur l’écran pendant l’échographie? Même au cinquième, je ne voyais rien! La malheureuse radiologue s’obstinait à me dire que le bébé faisait coucou, mais franchement, elle m’aurait dit qu’elle était en train de scanner les pommes de terre dans son sac de course, je l’aurais cru aussi. J’ai tenté de m’extasier à un moment, oh, c’est son petit nez. Non madame, c’est le pied. Ah, bon, d’accord.
À mi parcours, vous rencontrerez peut être un obstétricien, le premier venu, vraiment. Il était parti chercher du sucre, car il n’y en avait plus à la machine à café, et il est malencontreusement passé devant la salle d’attente, bondée depuis trois heures de femmes enceintes, hormonales et au bord de l’émeute. Une sage femme l’a taclé alors qu’il tentait de s’éclipser, une autre l’a attrapé par le haut du corps, et elles l’ont propulsé devant une patiente…Les semaines passent, on vous demande vos préférences en matière d’accouchement, et bien sur, vous allaitez n’est ce pas? Ah, non. Ah. Un froid sibérien s’installe dans la salle, et plus jamais une seule sage-femme ne vous sourira. Vous êtes marquée pour toujours au sceau de l’infamie, vous êtes celle-qui-veut-donner-le-biberon. La naissance approchant, vous aurez peut être droit à une troisième échographie, pour vérifier la position du bébé. Vous rencontrerez un autre obstétricien. C’est aussi le moment de l’entrée en scène de la Health visitor, qui suivra le bébé après la naissance. Elle vient généralement vous voir à domicile, et remplit son petit dossier.
-c’est votre premier?
-non le cinquième.
-haaaa….et bien sur, vous allaitez, hum?
-non.
-haaaaa…et bien sûr, c’est un accouchement naturel, hum?
-non.
-haaaa….
A ce stade, il est bon de se souvenir que les Health visitors n’ont strictement aucune compétence en matière d’obstétrique, et que votre accouchement ne les regarde pas. Elles viennent juste voir si vous êtes prête à l’arrivée du bébé, et vous rappeler d’acheter des couches.
Si tout ça vous a un peu refroidit, vous pouvez aller dans le privé. Pour cela, il faut demander une autorisation à son GP. Il le prendra très mal:
-Comment, vous ne faites pas confiance au NHS, on n’est pas assez bien pour vous? Vous savez qu’il y a des tas de problèmes dans le privé aussi.
Rien que le "aussi" m’incite effectivement à préférer le privé. Et je n’ai rien contre le NHS, mais quitte à payer une assurance, autant s’en servir. Surtout que je suis naturellement très douillette, et très stressée. Pour bébé 5, j’ai été prise d’une crise de panique en pleine césarienne, agrippant Marichéri par son déguisement de docteur, en reversant la moitié des équipements de l’anesthésiste : et si c’était une erreur, et si il n’y a pas de bébé? C’est la faute de l’anesthésiste aussi, à laisser traîner ses instruments n’importe où. Surtout que je ne pouvais bouger que les bras, il suffisait de faire rouler sa tablette un peu plus loin, quel empoté!
Au moins, dans le privé, on a toujours à faire aux même personnes, ils me connaissent, et ils eu le temps de s’habituer à mes crises de nerfs. Et on ne lésine pas avec le suivi: vous aurez une échographie (payante, faut pas rigoler non plus) à chaque rendez vous, toutes les 4 semaines. Vous n’êtes pas suivie par diverses sages femmes mais par votre obstétricien, toujours le même, et vous pouvez même le choisir. C’est aussi lui qui se chargera de l’accouchement (en principe…hahah). Vous et votre chéquier sont accueillis à bras ouverts à chaque rendez vous. On vous installe dans un bon fauteuil confortable ("vous payez comment aujourd’hui?"). On vous donne une tasse de thé et des petits gâteaux pour combler l’attente de trois minutes avant que l’obstétricien vous reçoive. Si vous avez des enfants, ils ont droit aussi à un petit goûter, ils ont un espace de jeux adaptés. L’obstétricien vous saute pratiquement au cou, tellement il est ravi de vous voir, vous et votre carte de crédit. A chaque fois, on fait des analyses complètes. Cela dit, mon obstétricien est un médecin remarquable et je lui voue une reconnaissance éternelle car depuis numéro 3, je n’ai pas le choix, c’est césarienne obligatoire. Dans le privé, c’est presque un bonheur. Mon cher obstétricien continuait à blaguer jusque dans la salle, pour numéro 4. Figurez vous que Marichéri n’arrivait pas, parce qu’ on ne trouvait pas de déguisement de docteur à sa taille (6 m 32 à peu près). Qu’est ce qu’on s’amuse! Je vous passe les détails sanguignolants, mais 24 heures après, je gambadais joyeusement tout autour de la chambre privée, mon bébé dans les bras. Même pas mal!
Alors pour Bébé 5, je ne m’angoissais pas particulièrement, enfin pas plus que d’habitude, je m’attendais donc simplement à me vider de mon sang sur la table d’opération, à finir amputée ou paralysée. La routine quoi. Quand une semaine avant la date prévue, mon obstericien a fait un malaise cardiaque (il va très bien maintenant)….ah. Je me suis retrouvée dans le NHS, et là, on ne rigole plus. Ou plutôt si, mais on rit jaune. La veille de la date prévue pour la césarienne, vous devrez passer la journée à l’hôpital, bien qu’on vous ait juré qu’il y en avait pour une petite heure de rien du tout. Vous allez pouvoir découvrir tous ces merveilleux dépliants qu’on remet aux femmes enceintes habituellement: sur l’allaitement bien sur, les biberons étant une invention démoniaque que seule une criminelle endurcie envisagerait de donner à son bébé. La brochure vantant les accouchements alternatifs: en piscine (je n’ai rien contre, mais d’habitude dans une piscine, je nage la brasse coulée, avec la grâce d’une enclume…je ne ponds pas), ou sous hypnose….euh, alors là venant pour une césarienne, ça angoisse un peu! Et bien sur, la liste complète de toutes les complications possibles et imaginables d’une césarienne, justement. C’est là que je me suis rendue compte que finalement, je n’ai aucune imagination.
Le grand jour arrive, bébé aussi! Dans le NHS, pour un accouchement naturel, vous n’aurez à faire qu’aux sages femmes, et à un petit troupeau d’une douzaine d’étudiants, qui viendra admirer votre anatomie dans tous ses détails les plus intimes. Le grand chef, l’obstétricien ne fera une apparition qu’au dernier moment, comme si c’était lui la star du show! Si vous demandez une péridurale, vous rencontrerez brièvement l’anesthésiste, ainsi que ses étudiants…mais c’est tout. Pour une césarienne d’urgence comme une prévue, vous aurez l’extraordinaire privilège d’avoir un obstétricien du début à la fin, ainsi qu’une tripotée de personnels divers…et comme c’est quand même une occasion inespérée de former les étudiants et bien, hop, on en fait rentrer une autre douzaine! Pour un peu, si vous pouviez bouger, vous vous lèveriez et salueriez le public à la fin de votre performance! Vous aurez enfin le bonheur immense de voir votre bébé pour la première fois, et de l’entendre. Bien, très, très bien même, puisqu’on vous le colle sur l’épaule, juste à côté de l’oreille, encore tout gluant pendant qu’on vous triture en tout sens et qu’on vous recoud. Et un bébé qui vient de naître, ça dégage ses poumons. Il hurle, directement dans votre tympan. En même temps, c’est votre premier grand moment de communion maman-bébé, c’est aussi inconfortable pour l’un que pour l’autre. Et quelque soit le type d’accouchement un pédiatre vient dans la salle et examine de suite le bébé. A moins qu’il ne préfère laisser faire son étudiant.
Ensuite, c’est direction le dortoir! Ahaha…Grace au NHS, vous allez vous retrouver dans une chambrée de 6 ou 8. Ça vous permettra de constater que Bébé 5 est effectivement bien plus beau, fort et intelligent (comment ça, il n’a que trois heures? Et alors?) que ses petits camarades. Comme une femme qui vient d’accoucher est généralement très mobile, pour ne pas dire au top de sa forme, la salle de bain commune à plusieurs chambrées, donc pour une trentaine de personnes, est généralement au bout du couloir, 3 kilomètres plus loin. Mêmes choses pour les sages femmes, leur bureau est très eloigné, et elles s’occupent de plusieurs chambrées en même temps. Vu qu’elles ne sont pas montées sur patins à roulettes, quand vous sonnez désespérément pour une urgence, il faut compter 10 bonnes minutes avant qu’elles se rendent compte que ça sonne, qu’elles localisent d’où ça vient, qu’elles désignent une volontaire à la courte paille, que la volontaire râle, qu’elle finisse son thé, et qu’elle se traine péniblement sur 10 kilomètres de couloirs jusqu’à vous.
Mais, pas de panique, vue l’ambiance de camaraderie riante qui règne dans le dortoir, le temps vous semblera passer à toute allure. La journée, vous profitez de vos visiteurs, mais aussi ceux de vos voisines, puisqu’il y a à peine un mètre entre les lits, et qu’ils sont séparés par un petit rideau adorable, rose saumon-pas-frais à grosses fleurs bleues purulentes. Vous aurez droit à la tournée de la sage femme en charge de la promotion de l’allaitement. C’est simple, pour la faire fuir, posez délicatement vos biberons sur la tablette devant le lit, elle vous évitera comme l’ante Christ. Et elle quittera la salle en lançant à la cantonade que les montées de lait sont très douloureuses pour les inconscientes qui donnent le biberon, ahaha. Pas de problème, je n’en ai pas, de montée de lait! Mais ça, elle ne me l’a pas demandé.
Mais je m’énerve, alors qu’un grand moment de sérénité bienveillante se prépare à fondre sur votre dortoir. Les visites sont finies, le repas aussi. C’est à dire que l’aide soignante qui vous a balancé bruyamment un plateau de choses indistinctes et gélatineuses sur la cicatrice, en réveillant les rares nourrissons qui dormaient et se mettent instantanément à hurler, l’aide soignante donc, revient chercher ses plateaux toujours pleins. Et je ne suis pas de mauvaise foi, les mamans anglaises n’y touchent pas non plus, on survit toutes à coup de barres de chocolat et de boissons énergisantes. Bref, on se prépare pour la nuit. En Angleterre, on vous laisse vous débrouiller avec votre bébé dans son petit berceau, style aquarium. Essayez de l’en sortir, de lui changer la couche, de le nourrir, au biberon ou au sein quand deux heures plus tôt, vous aviez le ventre coupé en deux….pas si facile! Mais ce n’est pas le problème des sages femmes, après tout, vous l’avez voulu votre bébé, hein. Il y a donc 8 mamans, et 8 nourrissons, qui passent la nuit à hurler. Et encore c’est une chance. Si ils ne sont que 7, c’est que vous aurez la joie de voir débarquer à trois heures du mat une nouvelle maman, avec son bébé, son mari, ses parents, et ses beaux parents, tous émus, tous se racontant mutuellement les dernières heures, et tous téléphonant à l’ensemble de leur relation, y compris la filleule de la voisine de leur beau frère, pour leur annoncer la grande nouvelle. A trois heure du mat donc! Dans un concert de 7 autres nourrissons brutalement réveillés. C’est un pur bonheur.
Bref, malgré cette ambiance apaisante, en moins de 24 heures je sprintais ostensiblement dans les couloirs, rameutant autant de monde que possible: regardez comme je vais bien, si je n’étais pas aussi maladroite, je vous ferais bien le poirier, là au milieu de la salle de repos des sages femmes, tellement je suis en pleine forme…cicatrice, quelle cicatrice? Ce serait dommage de monopoliser un lit du NHS, pour quelqu’un débordant d’énergie comme moi. Les sages femmes étant entièrement d’accord, elles se sont empressées de nous envoyer le pédiatre, qui a constaté que bébé 5 était vraiment en pleine forme, lui, l’orthophoniste, qui l’a déguisé en rappeur, avec un énorme casque sur ses petites oreilles (il entend bien), et un docteur de passage, qui cherchait la cantine. Tout le monde était d’accord, et bébé 5 a pu découvrir sa maison moins de 24 heures après sa naissance, ce qui est très courant ici. Pour celles qui s’inquièteraient, le NHS ne jette pas à la rue les mamans et leur bébés, on a droit à l’hospitalisation à domicile, pendant une dizaines de jours. Une sage femme passe régulièrement, la Health visitor vient examiner le bébé, vous avez un numéro d’urgence à appeler pour le moindre problème.
A partir de là vous aurez à faire à votre généraliste, le GP, l’infirmière pédiatre pour les vaccins, l’infirmière gynécologue pour votre révision des 6 semaines (ça peut être la même personne d’ailleurs) et la Health visitor. Et quelques étudiants évidemment.