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Le parc national des Calanques autorise les rejets chimiques en mer

Publié le 09 septembre 2014 par Blanchemanche
#pollutionsmarines
OLIVIER BERTRAND (CORRESPONDANT À MARSEILLE) 8 SEPTEMBRE 2014
 La calanque d'En-Vau, près de Cassis, en 2012.La calanque d'En-Vau, près de Cassis, en 2012. (Photo Anne-Christine Poujoulat. AFP)RÉCIT

Dans un avis voté ce lundi, le nouveau parc national autorise Alteo, producteur d'alumine, à rejeter au large de Cassis ses eaux industrielles, chargées d'aluminium, de fer et d'arsenic.

C’était la première décision délicate pour le parc national des Calanques, créé à Marseille au printemps 2012. Son conseil d’administration devait se prononcer, ce lundi, sur la prolongation d’une autorisation de polluer en mer. Plus précisément, l’usine Alteo (ex-Péchiney), qui produit à Gardanne de l’alumine à partir de bauxite, demandait l’autorisation de continuer à rejeter au large de Cassis les effluents de ses traitements. Des «eaux de procédé» chargées de métaux lourds, cinq paramètres menaçant de dépasser les seuils autorisés, dont l’aluminium, le «fer total» et l’arsenic. Alors que le sujet divise jusque dans les rangs d’Europe Ecologie - Les Verts (EE-LV), le parc a donné son accord ce lundi (30 voix pour, 16 contre, 2 absentions) en l’assortissant de rendez-vous réguliers pour obliger l'industriel à améliorer ses rejets.Péchiney a commencé à la fin du XIXe siècle sa production d’alumine à Gardanne. Une poudre blanche très résistante à la température et l’érosion, ce qui la rend très performante dans la fabrication des abrasifs, du verre, des écrans LCD, de la céramique en électronique, etc. Une fois extraite l’alumine, à l’aide de soude et d’eau, il reste des quantités de déchets chargés de métaux lourds. C’est ce que l’on appelle les «boues rouges». D’abord stockées en plein air, en lagunage, elles sont rejetées en mer depuis 1966. Après un voyage d’une cinquantaine de kilomètres, un émissaire rejette les boues à 7,7 kilomètres du large et 330 mètres de profondeur, en tête d’un remarquable canyon, très long et très profond (2 400 mètres). L’un des plus beaux de Méditerranée. Actuellement, 180 000 tonnes de boues rouges s'y déversent chaque année…Avec plus de 20 millions de tonnes déversées en cinquante ans, 30 millions selon certains opposants, le producteur admet lui-même que l’on trouve des traces de ses boues sur 65 kilomètres dans l’axe du canyon, et d'Est en Ouest de la rade de Toulon à Fos-sur-Mer. Des campagnes de pêche relèvent régulièrement des taux peu ragoûtants de mercure, d’arsenic et autres dans le poisson - sans que l’on puisse cependant préciser la part due aux boues rouges : la splendide rade de Marseille «accueille» aussi le débouché du Rhône et de l’Huveaune, rivière qui charrie les eaux déversées sans beaucoup de filtres par de nombreux industriels.

PROLONGATIONS ET NOUVEAUX FILTRES

Dans un premier temps, Péchiney avait obtenu, en 1966, l’autorisation de rejeter ses boues jusqu’en 1995 puis l’industriel avait demandé une prolongation mais Corinne Lepage, ministre de l’Environnement, avait traîné des pieds. Cela avait permis de gagner un peu en exigence. Une prolongation a finalement été obtenue le 1er juillet 1996, jusqu’au 31 décembre 2015. Ensuite, promis juré, Péchiney arrêterait : le tuyau qui court sur près de 55 kilomètres pour larguer ses métaux lourds serait abandonné et peut-être même démonté.Depuis, l’usine polluante a changé deux fois de propriétaire. Et le groupe franco-américain HIG, qui a succédé en août 2012 à un groupe franco-australien, a demandé le 19 mai dernier une prolongation de l’autorisation, avec tout de même quelques changements notables.Après les réticences ministérielles de 1995, le groupe a commencé à mieux prendre en compte ses résidus. Un «filtre-presse» déshydrate et compacte les boues rouges et deux autres doivent être installés. Une fois passés dans ces filtres sous haute pression, les résidus solides vont être entièrement récupérés au lieu de partir en mer sous forme de «boues rouges». Cela donne la «bauxaline», matière inerte que l’entreprise recycle en la commercialisant pour le bâtiment, pour le remblai, les cloisons étanches de décharges, ou encore, explique-t-il, pour la dépollution de sites miniers.Reste l’eau de traitement, chargée d'un peu de soude et de métaux lourds. Le groupe promet qu’il n’y aura que quelques «traces», aux alentours du débouché. Selon lui un «précipité» se formerait au contact de l’eau de mer, «piégeant» les métaux lourds. La Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) relève pour sa part, dans un avis rendu en août [lire ci-dessous] qu’il faudra vérifier cela «in situ».HIG pourrait mettre en œuvre des «prétraitements» limitant encore les rejets chimiques. Il admet que des procédés seraient envisageables pour réduire encore les risques, mais ils sont selon lui très coûteux, et incertains. A terme, est-ce vraiment plus coûteux que les conséquences en termes d’image d’un parc national, dans une agglomération qui mise beaucoup sur le tourisme et la mer ? Le parc a assorti son avis d’une obligation de rendez-vous tous les cinq ans. L’industriel devra exposer les mesures ou procédés mis en oeuvre «en fonction de l’évolution des technologies»pour améliorer la qualité de ses effluents, précise Didier Réault, présient (UMP) du parc. En cas de non respect par l'exploitant de ses engagements, le parc pourra demander au préfet un arrêté complémentaire limitant ou suspendant l'autorisation de polluer.

ECOLOGIE CONTRE EMPLOIS

Le parc des Calanques de Marseille est très particulier. Créé en lisière d’une aire de plus d’un million d’habitants, il doit jongler avec l’homme, la ville, l’industrie, et leurs enjeux contradictoires. Le déversement de métaux lourds en plein cœur d'un parc marin n’est pas fameux pour son développement, son image. Mais l’interdiction du rejet des effluents mettrait en péril des centaines d’emplois, avance depuis des décennies l’industriel HIG. «Aujourd’hui, nous n’avions pas à couper la vie d’une entreprise», relaie Didier Réault.Ce lundi, pendant que des écologistes manifestaient devant le bâtiment qui abritait le conseil d’administration, la CGT maenaçait d'une contre-manif, pour défendre l’usine et ses 400 salariés. L’antagonisme traverse aussi les rangs écologistes. Michèle Rivasi, députée européenne, défend une pétition pour faire interdire les rejets. Dimanche soir, sur Twitter, son collègue François-Michel Lambert, député EE-LV, a défendu la prolongation de l’autorisation, tout en dénonçant les «écolos bobos».
Pétition de @MicheleRivasi qui n'a aucun sens et cherche polémique inutile Arrêtons de passer pour des écolos bobos ! http://t.co/pKocL05Pq0 — FM LAMBERT (@fm_lambert) 7 Septembre 2014
Le député de la circonscription de Gardanne avait déjà dénoncé auprès d’Arnaud Montebourg les «normes de pollution de plus en plus contraignantes», les«exigences environnementales» qui mettent en danger l’entreprise. La plupart de leurs collègues écologistes, dans la région, adoptent des positions plus mesurées. Ils semblent comprendre la prolongation de l’autorisation à présent que les boues rouges ont disparu, mais savent que c’est en se montrant plus critiques et exigeants avec les industriels que ces derniers avancent vers une industrie moins polluante.Le préfet de région doit prendre en juin 2015 l'arrêté autorisant la poursuite de l'occupation du domaine maritime (pour l'émissaire) et les rejets. Sa décision reprendra obligatoirement l'avis et les réserves du parc national.
L'avis rendu en août par la Dreal :Olivier BERTRAND (correspondant à Marseille)

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