Lors de ma critique publiée il y a quelques mois de Diplomatie, l'adaptation par Volker Schlöndorff d'une pièce qui avait cartonné, je disais que la premiere difficulté pour le cinéaste qui se lance dans ce genre d'exercice était de trouver les subterfuges pour contourner l'éceuil du "théâtre filmé".
Si le cinéaste allemand parvenait parfaitement à se sortir de ce piège, avec une mise en scène qui parvenait à se faire discrète pour valoriser au mieux les excellents dialogues, l’immense Liv Ullman – actrice suédoise de renom muse d’Ingmar Bergman dans de très nombreux films, a malheureusement un peu plus de mal à se sortir de son adaptation de "Mademoiselle Julie", la pièce de théâtre éponyme écrite par le Suédois August Strindberg en 1888.
Cette "Mademoiselle Julie 2014", qui sort en salles dès demain, j'ai eu la chance de le voir à Paris la semaine passée lors d'une rares projections de presse à laquelle je peux me rendre, vu que je vais quand même très peu à la capitale.
Et d'ailleurs, c'était assez étrange de retourner sur les Champs Elysées (car sachez le, les projections de presse ont lieu dans des salles privées tout proche des Champs), puisque je me rappelle avoir vu en 1999, lors d'une des toutes premières éditions du Festival de Film de Paris qui a lieu chaque année sur les cinéma de la plus belle avenue du monde, une autre adaptation de la pièce de Strinberg .
Je n'ai évidemment pas vu toutes les adaptations sur grand écran de cette pièce incontournable du répertoire dramatique (il y en a eu visiblement déjà 15, excusez du peu), mais celle de 1999, mis en scène par le grand metteur en scène britannique, Mike Figgis avec dans le rôle principaux Peter Mullan et une actrice magnifique mais qu'on a hélas trop peu vu au cinéma depuis, l'anglaise Saffron Burrows m'avait vraiment beaucoup plu.
En effet, je me souviens avoir été à l'époque frappé par la puissance du texte (que j'avais du voir au théâtre lorsque j'étais bien plus jeune), une vraie tragédie qui nous amène magnifiquement dans un jeu de séduction-répulsion aussi bien pervers qu'érotique entre deux personnes de classe sociale différente, et chacun, au fil d'une seule nuit, va tour à tour soit dominer l'autre, soit être à sa merci, avant une fin forcémént tragique (dans une tragédie, c'est un peu logique que la fin le soit, non?).
Bref, voilà donc une oeuvre pleine d''acuité et de justesse sur les faux semblants dans un jeu de séduction, avec des personnages complexes et qui frappait par son universalité et sa modernité, plus d'un siècle après l'avoir écrit. Et je dois dire que je me souviens avoir trouvé que Mike Figgis s'était admirablement sorti du dispositif théâtral de départ, tant le texte et l'interprétation enflammée des deux comédiens principaux était mis en valeur.
Evidemment, 15 ans après, j'avais un peu oublié les détails du récit et des dialogues, et j'étais assez heureux de me replonger dedans, avec en cerise sur le gateau un casting encore plus alléchant sur le papier, et une Liv Ullman dont j'avais vu peu de films en tant que cinéaste mais dont le nom rime forcément avec chef oeuvre du 7ème art.
Malheureusement, après une demi heure d'un huis clos qui dure quand même 2h13 (alors que la version de Mike Figgis possédait une demi heure de moins), et l'arrivée des premiers baillements chez moi et chez mes voisins, je dois me rendre à l'évidence que le pari de Liv Ullman n'est pas vraiment très convaincant.
La cinéaste avait pourtant la bonne idée de transposer l'intrigue dans l’Irlande à la fin du 19e siècle, dans un endroit, Castle Coole, assez féérique et envoutant. De même, Liv Ullman a, par raport aux autres adaptations de la pièce, tenu à ne filmer uniquement que les trois personnages principaux, et en laissant notamment pour la première fois une place importante à la cuisinière et fiancé du valet, jouée par l'excellente et rare actrice britannique Samantha Morton, à la colère rentrée.
Malgré ces variations à l'oeuvre initiale, l'adaptation manque par trop de point de vue et d'originalité, et surtout parait quelque peu datée.
Le texte conserve de sa force et la relation entre Mademoiselle Julie et son soupirant garde intacte une grande partie de sa perversité et de son intelligence, mais hélas, le procédé théâtral s'avère être par trop pesant, et le film semble un peu corseté, et même étouffant, et ce, malgré deux envolées extérieures- en début et fin de film- particulièrement salutaires.
Cela dit, cette nouvelle version de Mademoiselle Julie possède un joyau indéniable, en la personne de la magnifique Jessica Chastain (qui a récemment reçu un bel hommage lors du dernier Festival de Deauville) qui offre une éblouissante performance et une palette énorme de jeu, avec ce personnage partagé entre fragilité psychologique, innocente, fatalisme, excitation et bien d'autres sentiments. Dommage qu'à côté, son partenaire masculin, Colin Ferrel, décidement inégal, livre une prestation moins emballante, étant toujours proche du surjeu.
Bref, pour les fans de Miss Chastain qui veulent la voir dans un de ses meilleurs rôles, et pour ceux qui veulent découvrir la beauté d'un classique du théâtre, ce "Mademoiselle Julie" peut être conseillé...quant aux autres, ils pourront largement passer leur chemin..
Bande-annonce : Mademoiselle Julie - VOST