"Oui quelque chose se prépare personne ne peut le nier, j'lance ce troisième album dans un contexte encore plus merdique que le précédent. Non vraiment rien n'a changé monsieur l'président et c'était prévisible, c'était même clair, limpide et lisible. Deux trois promesses foireuses histoire d'être éligible et comme d'habitude après on passe aux choses sérieuses, on passe à la casse et c'est les mêmes qui passent à la caisse, avec en fond de trame une crise montée de toutes pièces et qu'c'est pas fini, c'est loin d'être fini, ça fait qu'commencer, y'en a encore plein les tiroirs ... quelque chose se prépare. Je le sens je le sais. Le vent se lève, j'attends je me tais. Quelque chose se prépare, ça charge, ça se gonfle. C'est dans l'air je ne peux rien y faire. J'écoute c'est en route".
Dès le premier titre (Quelque chose se prépare) le ton est donné, La Canaille vient éveiller les consciences. L'heure est sombre et le constat est sans appel : Faiblesse généralisée, les troupes sont démotivées. Abimées, usées, rincées. Les choses vont changer, forcément parce que les choses DOIVENT changer.
Richesse des textes, poésie rugueuse, envie de croire que des lendemains meilleurs arrivent, là, juste derrière mais que pour ça, il faudra se battre, se lever et dire non. La nausée est un acte de rébellion. Cet album vient dire non à l'ennui, non à la montée des extrêmes (Nationale, plaidoyer contre Marine et son immonde paternel), non à la misère sous toutes ses formes, même sexuelle (Pornoland), non au naufrage de l'industrie du disque d'aujourd'hui ("la pisse passe pour un cru et les vessies pour des lanternes"), machine à produire de la musique sans âme (Décalé).
Ce troisième album de La Canaille est un coup de poing, une invitation à sortir de la torpeur.
Poing levé, yeux grands ouverts, La Canaille a la nausée et compte bien partager son malaise.
Redoutablement efficace, cet album est plus qu'une des nombreuses sorties de la rentrée, c'est un passage obligé pour ne pas avoir l'impression de faire partie du naufrage généralisé.
La nausée est un album dont on ne sort pas indemne mais un de ceux qui dérangent, qui appuient où ça fait mal pour provoquer le sursaut salvateur. Un album d'écorché.
Sur cet opus, La Canaille a lancé de belles invitations : DJ Pone, Lazare (performeur repéré au festival d'Avignon), Sir Jean (du peuple de l'herbe) et Serge Tessot-Gay (Noir Désir) ont répondu à l'appel et signent là une impeccable collaboration.
L'album s'achève sur un hommage à Brel qui arrive par surprise après que le dernier morceau ne se soit éteint ("briller dans le noir"), résonnent alors les mots du grand Jacques :
"La bêtise, c'est de la paresse.
La bêtise, c'est un type qui vit et qui se dit « je vis, je vais bien, ça me suffit ».
Il ne se botte pas le cul tous les matins en se disant
« c'est pas assez, tu ne sais pas assez de choses, tu ne vois pas assez de choses, tu ne fais pas assez de choses ! »
C'est de la paresse, je crois, la bêtise.
Une espèce de graisse autour du coeur, une graisse autour du cerveau..."
La Canaille tente de se redéfinir dans un des titres de cet album (Redéfinition, le bien nommé) où l'on entend : "C'est la lutte comme un rempart à l'ennui", on y est : La lutte plutôt que le sommeil trop lourd qui empêche de voir ce qui se passe autour.
La Canaille tire la sonnette d'alarme, pas donneur de leçon pour un sou, il dresse cependant un tableau de l'époque, sans concession, non équivoque.
Dans les tons de gris, plutôt obscurs, le paysage ne s'éclaire que grâce au son. Avec de la musique pour soulager le mal-être, la douleur et la colère.
"C'est le son qui m'emporte quand je cherche l'asile, quand j'étouffe quand j'ai l'mal de la ville, c'est le seul qui m'apaise le seul qui m'allège le temps d'une parenthèse..."
Parce que ça va toujours mieux en le disant, La Canaille vide son sac.
Et il le fait bien. C'est bon, c'est beau et ça réconforte, vraiment, de se dire que quelques uns encore, sont dans l'action.
"Hors de question d'raser les murs, j'veux les briser. Chez moi l'ambiance est bien trop morne je suis venu l'électriser, habité d'une soif de vivre que personne ne monnaye , y' dans mon camp des pépites d'or à faire pâlir le soleil; à trop courber l'échine, la coupe est pleine de rage, et le schéma se reproduit quand nos mouflets prennent de l'âge" (Briller dans le noir).
La Canaille s'inscrit dans la lignée de ces hommes qui ont tenté de porter un message puissant de révolte et d'insurrection contre la léthargie ambiante, contre l'horreur quotidienne et le glissement facile vers la tolérance de ceux qui portent des paroles remplies de haine et de futurs noirs.
"La nausée" de La Canaille n'est rien moins qu'une injonction à "briller dans le noir". Un acte de résistance à la misère ambiante.
L'album sort le 22 septembre. Et tu peux suivre l'actualité de l'artiste par ici.