Critique du Récital emphatique de Michel Fau, vu le 4 juillet 2014 au Théâtre de l’Oeuvre
Avec Michel Fau, dans une mise en scène de Michel Fau
Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup d’acteurs en France capables d’executer une telle performance : prendre le corps d’une femme, chanteuse de surcroît, le temps d’un spectacle, ce n’est pas un talent donné à tous. J’ai bien sûr pensé à Olivier Py et sa si géniale Miss Knife : mais là, si l’art se ressemble, la manière est différente : c’est quelque chose de bien plus grotesque que nous présente Michel Fau. Grotesque, mais jamais vulgaire, jamais honteux : juste ce qu’il faut pour soulever la salle d’un rire commun et long d’1h30.
Lorsqu’il entre, il est transformé. Une robe flashy, une perruque adéquate, un port et un maintien de diva, et la métamorphose complétée par une gestuelle et une voix transformées par l’acteur. C’est d’abord une longue danse qui commence, dans laquelle Michel Fau, déjà complètement dans le personnage, se donne corps et âme dans une chorégraphie farfelue et annonçant le ton du spectacle : du second degré total ; Michel Fau assumera totalement son travestissement et jouera de sa féminité sans honte. La précision des gestes, du rythme – toujours en accord avec le piano -, des expressions de son visage – jamais les mêmes -, sont impressionnantes. Après cette danse effrenée et déjà de beaux moments de rigolade, Fau entame Samson et Dalila : qui d’autre interpréter que Dalila elle-même ? Avec ce même talent qu’il dévoilait lors des danses, il soulève des rires dans la salle lors de ses différentes parties chantées.
Et l’artiste a plus d’une corde à son arc : après cette entrée en matière plus que réjouissante, il enchaîne avec Phèdre. "Mon mal vient de plus loin" est certes une tirade bien connue, mais livrée par Fau, elle n’est plus la même. Successivement déclamée à la Sarah Bernhardt, puis comme dans un mauvais boulevard, ensuite à la manière dont on parlait au XVIIe siècle, et enfin style mauvaise actrice, jeune et débutante (hilarante). La salle est conquise : personnellement, j’avais déjà un sourire vissé sur mon visage depuis une bonne dizaine de minutes : sourire qui ne disparaîtra pas avant la fin du spectacle.
Fort de son succès, après plusieurs fous rires généraux dans la salle, après une parodie de Duras intitulée Mékon B4, et un air bien reconnaissable du Carmen de Bizet, voilà que Michel Fau se met à la "variétoche". Tout d’abord, il nous offre ce numéro que certains connaissaient déjà après un passage chez Ruquier : cette chanson de Zaz, extrêmement engagée politiquement, qui nous parle de la fracture sociale. Hilarant. Et comme les rappels ne cessent pas, il repart de plus belle : de Starsky et Hutch à Comme un ouragan, Michel Fau semble prendre autant de plaisir à s’approprier les chansons que le spectateur à l’écouter.
Un spectacle déjanté et délirant : Michel Fau a su emporter toute la salle avec lui. Bravo. ♥ ♥ ♥