Le développement constant des systèmes informatiques couplé à l’évolution de la structure des marchés de capitaux ont permis à un tout nouveau style de trading d’émerger : le Trading Haute Fréquence, où les décisions ne sont plus prises par des hommes mais par des algorithmes.
Plusieurs récents changements juridiques ont permis au Trading Haute Fréquence (THF) de se développer :
- l’autorisation des plateformes alternatives de trading à la fin des années 90 aux Etats-Unis
- le développement par chaque grande banque de « dark pools » (on y reviendra plus tard)
- l’introduction de la cotation décimale en 2001
- la réglementation « RegNMS » (Regulation National Market System) de 2007, obligeant les Brokers à répondre aux ordres en moins de 2 secondes et ce au meilleur prix disponible sur toute les plateformes
Le trading algorithmique sert bien sûr à faire des plus-values en traduisant des stratégies de trading en algorithmes automatisés, mais il a aussi d’autres applications.
Il est utilisé pour permettre aux très gros investisseurs d’effectuer des ordres masqués et ainsi de ne pas être repérés par d’autres algorithmes.
Il sert aussi à assurer la liquidité du marché. En effet, des algorithmes qualifiés de market makers, émettent de manière permanente des prix à l’achat et à la vente auxquels ils s’engagent à échanger. Ces algorithmes font ainsi de l’argent sur la différence entre le prix à l’achat et à la vente qu’ils proposent : le spread. Cependant, si le marché subit une variation brutale, l’algorithme est programmé pour se retirer du marché, là où un agent humain trouverait une solution pour son client. La liquidité apporté par ces algorithmes est à prendre avec des pincettes.
En représentant environ 60% des transactions quotidiennes mondiales, le trading algorithmique est la nouvelle mine d’or des plus grandes banques, investisseurs et hedge funds mondiaux. Ainsi, ils se livrent une guerre sans merci entre eux, que nous allons décrire dans le détail.
Une guerre de territoire
Les firmes de trading à hautes fréquences cherchant constamment à réduire la durée entre la détection d’un événement sur le marché et la réponse par l’algorithme de trading, et entre l’émission de l’ordre et sa prise en compte par la plate-forme de négociation, il leur devient nécessaire d’améliorer leurs moyens de communication.
Cela nécessite notamment d’installer leurs machines de trading le plus proche possible des serveurs des Bourses mondiales, pour gagner quelques millisecondes par rapport à ses concurrents et rafler la mise. Ainsi on assiste à une véritable guerre que l’on peut qualifier de conquête de territoire.
Après la bataille que ces firmes se sont livrées en juin 2010, lors de l’inauguration du nouveau centre de données de Nyse Euronext près de Londre, pour conquérir l’espace autour des serveurs de Nyse Euronext, on assiste maintenant à un épisode qui fait la joie de la Belgique.
En effet, ces dernières cherchent maintenant à obtenir plus rapidement les données de marché entre Basildon (dans le sud-est de Londres) et Franckfort, en rachetant les antennes de communication hertziennes entre ces deux villes. Ces antennes n’émettant qu’à une centaine de kilomètres maximum, on comprend que les tours situées en Belgique soient alors très vite devenues des points stratégiques pour ces firmes de trading à haute fréquence qui cherchent à établir une route de données entre Londres et Franckfort.
De ce fait, on a pu assister à la vente aux enchères de l’antenne d’Houtem par la Belgique à ces firmes, remporté par Jump Trading pour 5 millions d’euros (alors que le prix de départ était de 255.000 euros…).
Une guerre informatique
En juin, « BAE systems Applied Intelligence » révèle sur la chaîne CNBC le premier cas officiel de cyber-attaque sur un trader haute-fréquence d’un hedge fund américain, client de BAE.
Suite à l’ouverture d’un mail infecté, ce hedge fund a vu les performances et la vitesse de son algorithme de trading chuter anormalement, avant de se rendre compte qu’il s’était fait voler ses données d’ordre et la stratégie de son trader haute fréquence.
Comme les firmes de trading à haute fréquence ont une réputation à tenir, elles évitent en général de rendre publique de tels vols, qui ne sont la plupart du temps dûs qu’à un collaborateur parti chez la concurrence, en emportant avec lui ces données confidentielles. Cependant, ce cas n’est que la partie émergé de l’iceberg de la guerre que se livrent les firmes de trading à haute fréquence, dans un contexte de chute de leurs performances.
On notera que le FBI a désormais mis en place une équipe dédiée à la cyber-criminalité financière depuis cet évènement, qui a rendu possible l’éventualité de prise de contrôle d’un trader haute fréquence par un groupe terroriste, pouvant dès lors envoyer grâce à lui une rafale d’ordres erronés, et pourquoi pas provoquer un nouveau 6 mai 2010 (violente chute de Wall Street considérée de « Flash Crash »).
Une guerre discrète
Fin juillet, la SEC (Security and Exchange Commission), police de la bourse américaine, ainsi que d’autres autorités américaines, ont demandé des comptes à UBS et à la Deutsche Bank suite à des pratiques douteuses visant à favoriser des firmes de trading à haute fréquence sur leurs places de marché internes, qualifiées de Dark Pools, aux dépens d’autres clients. Les Dark Pools sont des places de marché de gré à gré, opaques, où l’anonymats des investisseurs est garanti. Les grandes institutions financières en sont d’importantes clientes, d’où le fait que le favoritisme de ces banques pour des firmes de trading à haute fréquence gène.
Ce rappel à l’ordre est intéressant dans le sens où l’on peut constater que les banques se livrent entres elles une guerre où tous les coups sont permis (comme cacher des informations importantes à leurs clients pour en favoriser d’autres).
En conclusion, le trading haute fréquence est devenu la nouvelle mine d’or des plus grandes banques et fonds d’investissement. La guerre que se livrent les firmes de trading haute fréquence est sans répit, ni pitié. En effet, ces dernières sont prêtent à tout pour perfectionner et défendre leurs algorithmes.
Nous terminerons cet article sur un chiffre : le trading haute fréquence a dégagé 21 milliards de profit en 2009, imaginez ce chiffre à l’heure actuelle !