Ce dimanche deux cars, au petit matin, ont pris la route de Fontenay en direction de Trucy dans l'Aisne au pied du Chemin des Dames.
Arrivés dans la brume nous avons pu découvrir avec l'apparition des premiers rayons du soleil ce petit village du laonnois dans son écrin de verdure. Un petit village calme et serein avec ses fleurs, ses pommiers qui en rien hormis les traces de ruines face à la mairie ne faisait penser qu'il fut il y a cent ans un enfer de désolation et d'occupation de troupes allemandes.
Fontenay-sous-Bois et Trucy avaient rendez-vous pour renforcer notre amitié symbolisée et scellée par l'acte de parrainage à l'immédiat après guerre et du vote par le Conseil Municipal de Fontenay en 1921 d'une importante subvention pour aider les habitants de Trucy à retrouver une vie normale. Une plaque rappelant ce lien a été dévoilée lors d'une cérémonie émouvante à laquelle participaient les élus représentants nos villes jumelées de Belgique, d'Italie et du Sénégal. J'ai retenu du discours très documenté et descriptif du maire honoraire de Trucy un fait qui pour moi n'est en rien anecdotique mais révèle bien plus les difficultés rencontrées lorsque peu à été entrepris au niveau transgenerationnel pour soigner les blessures d’une guerre qui fut d'occupation. C'est l'édifiante histoire de cet allemand, il y a peu de temps, qui de son véhicule interpelle l'édile de Trucy en lui demandant s'il y avait bien un château dans le village. Le maire lui répond que oui mais qu'il fut détruit en 14 et jamais reconstruit. Notre touriste allemand expliquant alors que son grand-père était stationné à Trucy et avait dérobé dans le château un vase qu'il s'apprêtait à vouloir restituer mais considérant que le château n'existait plus il allait s'en retourner avec l'objet!!! Et sans écouter le maire lui faisant la proposition de le déposer en mairie comme trace ultime de ce bien détruit. Notre visiteur s'en est donc allé sans avoir eu la délicatesse de souligne que son grand-père haïssait les français cet " ennemi " héréditaire, tout comme d'ailleurs deux décennies plus tard son père... Mais que nous avions aujourd'hui la chance de vivre en paix! Celle d'humilier avec son petit trophée misérable butin d'une rapine? Vivre en paix c'est faire un travail.
Oui nous avons cette chance mais je vous l'avoue assurément pas avec la même approche que celle affichée par ce rustre, ce pervers. La reconstruction n'est pas encore achevée et notre travail de mémoire ne semble pas si facilement partagé. Je repars de Trucy avec le sentiment qu'il faut renforcer encore et encore ce travail car si le réel nous donne à voir un village serein, ouvert sur l'avenir, il n'en demeure pas moins que quelques apparences subsistent laissant encore entrevoir des plaies bien ouvertes. Cet homme n'a pas encore pu identifier Trucy et tous les autres Trucy de France comme étant des lieux dévastés, des lieux ravagés où la mort au quotidien venait faucher la vie. Tant que pour un homme Trucy ne demeurera que le souvenir d'un vase volé, jamais restitué, par un grand-père guerrier occupant une terre ne lui appartenant pas, j'ai la certitude que la violence a beaucoup d'avenir. Je le dis d'autant plus que l'exemple de l'histoire du chêne de Trucy révèle ce danger. Un chêne planté en 1794 et détruit en 1914... En 1921 un autre chêne est planté au même emplacement pour être abattu par les allemands en 1940 car chêne de la liberté il était un symbole insupportable. Et c'est maintenant celui planté en 1989 par les élus de Fontenay qui affirme haut ce symbole. Nous le préserverons à tout prix.
Nous avons quitté Trucy avec dans le cœur notre amitié tout en sachant qu'il faut au jour le jour veiller sur elle. J'aimerai tant que madame Merkel consacre un budget colossal à notre mémoire et que dans nos commémorations se panachent les drapeaux français allemands et européens pour infuser l'espoir. C'est le minimum!