Délits d’Opinion : Selon un récent sondage TNS Sofres François Hollande et Manuel Valls franchissent des nouveaux records d’impopularité. Comment expliquer cette tendance après le dernier remaniement ?
Cécile Cornudet : « Avant toute chose le couple exécutif est fragilisé par les mauvais chiffres économiques lesquels viennent renforcer la défiance de l’opinion publique. L’avenir est source d’inquiétude et les Français ne jugent pas les responsables au pouvoir capables d’inverser la tendance, pour le pays et pour eux.
A cela il faut ajouter l’impopularité chronique du Président et, la difficulté de Manuel Valls à s’autonomiser par rapport à lui. Alors qu’il était parvenu à surnager pendant les premiers mois, l’été aura provoqué sa chute, dans le sillage du Président ».
Délits d’Opinion : Selon cette même étude aucun parti ne recueille plus de 30% de sentiments positifs. Quels sont les risques à court et moyen termes ?
Cécile Cornudet : « Le sentiment qui prédomine parmi les responsables politiques c’est que l’on est au bout d’un système. Depuis le cœur de l’été les langues se délient, y compris au gouvernement. Des ministres confient leur « fébrilité » et l’impression d’un « épuisement du système institutionnel ». L’impuissance du politique joint aux mauvais résultats économiques permet d’expliquer la crise de confiance qui se renforce dans le pays.
La visibilité est très faible et on a vraiment l’impression que tout peut se passer. On ne peut plus totalement écarter je crois l’hypothèse d’un accident parlementaire qui débouche sur une dissolution et une crise politique. Les frondeurs ne croient plus aux chances de François Hollande en 2017 (et donc aux leurs dans la foulée) et certains semblent prêts à se faire hara-kiri dès aujourd’hui pour sauver « l’âme » du PS, comme ils disent. Cela dit, le plus probable est qu’ils n’aillent pas jusque là mais continuent leur guérilla parlementaire. A contester sans relâche la ligne du gouvernement, comme ils le font depuis les municipales, ce qui a rendu la ligne gouvernementale illisible.
En choisissant de se séparer de l’aile gauche du gouvernement, François Hollande et Manuel Valls ont du coup fait ce pari : faire plus de bruit que les frondeurs, pour montrer que le pacte de responsabilité sera poursuivi quoiqu’il arrive, et obtenir enfin la confiance des entreprises. Sur le bruit, c’est d’ores et déjà raté. Les frondeurs ont fait la preuve depuis dix jours qu’ils continueraient à parler aussi fort.
En effet, sans popularité, sans croissance économique, sans soutien de son camp, le couple exécutif « joue tapis » sur les entreprises, comme dit un ministre, afin d’espérer obtenir des résultats économiques. C’est son objectif de court-moyen terme. Le problème, c’est que cet objectif est totalement contradictoire avec l’objectif de plus long terme, qui est de ressouder son camp, sa gauche, pour aborder 2017. Droitiser son discours pour rassurer les entreprises et avoir des résultats, ou au contraire le gauchir pour éviter la scission, c’est le dilemme Hollandais ».
Délits d’Opinion : Après son départ du gouvernement quelles sont les options possibles dans la trajectoire d’Arnaud Montebourg ?
Cécile Cornudet : « Cela reste une vraie question ; sans doute d’abord pour lui. Il ne faut pas sous-estimer la violence de son éviction qu’il n’envisageait pas dans ces conditions. Il faudra ainsi voir comment il encaisse cet échec, lui qui n’a désormais plus de mandats et de sources de revenus.
Pour le moment il souhaite prendre du recul et ne veut pas se précipiter pour fédérer la gauche anti gouvernementale. A la Rochelle, il a dit aux militants « à l’année prochaine », ce qui semble sous entendre qu’il va prendre du recul (ne serait ce que pour retrouver une activité professionnelle)Cependant il garde en tête sa quête présidentielle. Aujourd’hui, c’est sans doute la seule bonne nouvelle de rentrée du couple Hollande Valls: la gauche contestatrice est sans leader. Sauf que Martine Aubry semble depuis quelques jours décidée à entrer dans la danse. Elle a annoncé hier qu’elle s’apprêtait à publier un texte de propositions économiques ».
Délits d’opinion : la question de la primaire pour 2017 est elle ouverte ?
Cécile Cornudet : « La question en tout cas suscite beaucoup moins de tabou au PS qu’il y a quelque temps. Jean-Chritsophe Cambadélis, le leader du PS, ne dit plus que la question ne se pose pas. François Hollande ne l’a t il lui même pas intégré lorsqu’il mise tout sur le pacte de responsabilité ? Comme si « obtenir des résultats » était devenu sa dernière chance. Dans un passage passé inaperçu de son livre, Valérie Trierweiler rapporte une conversation avec le chef de l’Etat sur la présidentielle de 2017. Il lui aurait dit ceci : « si je suis en état de faiblesse, je n’irai pas » .
Délits d’Opinion : La nouvelle ligne politique, moins à gauche, fait-elle peser le risque d’un basculement à droite de l’ensemble des partis ?
Cécile Cornudet : « Il ne faut tout d’abord pas considérer que le remaniement va, dans les faits, confirmer un réel virage social-libéral. A quelques jours du discours de politique générale de Manuel Valls, j’ai l’impression qu’il y a un doute au sommet de l’Etat. Beaucoup de ministres disent : n’allons pas plus loin dans les réformes, nous ne pouvons pas nous permettre de nous fragiliser encore à gauche. Certaines décisions de la semaine dernière (moins d’efforts pour faire des économies , renoncement aux ordonnances sur le travail de dimanche) donnent le sentiment que déjà Manuel Valls essaie de donner des signaux à la gauche.
Et à droite, les candidats potentiels semblent faire comme si Marine Le Pen, désormais, était leur leur principale adversaire, et non François Hollande. A l’exception de François Fillon qui reste sur une ligne libérale, Alain Juppé fait ses premiers pas sur le thème du rassemblement ; les proches de Nicolas Sarkozy sur l’idée de reconquête des classes populaires. Lesquelles, c’est désormais acquis, sont massivement passées au FN.».