Adèle a tout pour elle. Parisienne, 35 ans, belle, journaliste, mariée à un chirurgien, maman d’un petit Lucien. En apparence, elle a tout pour elle. Mais la réalité est bien plus sombre.
Son job ? « Adèle n’aime pas son métier. Elle hait l’idée de devoir travailler pour vivre. Elle n’a jamais eu d’autres ambitions que d’être regardée. […] Elle aurait adoré être la femme d’un homme riche et absent. Au grand dam des hordes enragées de femmes actives qui l’entourent, Adèle aurait voulu traîner dans une grande maison, sans autre souci que d’être belle au retour de son mari. Elle trouverait merveilleux d’être payée pour son talent à distraire les hommes. »
Son fils ? « Lucien est un poids, une contrainte dont elle a du mal à s’accommoder. Adèle n’arrive pas à savoir où se niche l’amour pour son fils au milieu de ses sentiments confus : panique de devoir le confier, agacement de l’habiller, épuisement de monter une pente avec sa poussette rétive. L’amour est là, elle n’en doute pas. Un amour mal dégrossi, victime du quotidien. Un amour qui n’a pas de temps pour lui-même. »
Son homme ? « Dans la rue, ils marchent vite, l’un à coté de l’autre. Ils ne se touchent pas. S’embrassent peu. Leurs corps n’ont rien à se dire. Ils n’ont jamais eu l’un pour l’autre d’attirance, ni même de tendresse, et d’une certaine façon cette absence de complicité charnelle les rassure. »
Pour affronter le quotidien, Adèle multiplie les aventures et les coucheries. N’importe où, n’importe quand, avec n’importe qui. Adèle joue les femmes fatales, elle existe à travers le regard des autres. Le désir n’a pas d’importance. « Elle n’avait pas envie des hommes qu’elle approchait. Ce n’était pas à la chair qu’elle aspirait mais à la situation. Etre prise. Observer le masque des hommes qui jouissent. Se remplir. Goûter une salive. […] L’érotisme habillait tout. Il masquait la platitude, la vanité des choses. »
Le portrait d’une femme insatisfaite. D’une femme perdue, malade. Le portrait d’une nymphomane trompant son monde en permanence et dont la chute semble inéluctable. Leïla Slimani ne tombe pas dans la facilité et évite un enchaînement de scènes crues et gratuites auxquelles le déroulement du récit aurait pu pourtant l’autoriser. Il y a bien sûr quelques passages explicitement sexuels mais je n’y ai trouvé aucune surenchère. Pour autant, je ressors de ce premier roman à la limite de l’agacement. Le portrait de cette bourgeoisie parisienne m’a souvent semblé très caricatural. Le style froid n’a, à aucun moment, attiré mon empathie pour cette pauvre Adèle, que je me garderais bien de plaindre ou d’enfoncer. Bref, j’ai eu du mal, en tournant la dernière page, à donner du sens à cette histoire à la limite du pathétique. Mais bizarrement, j’ai aussi l’impression d’être passé à coté de quelque chose de plus profond. Bref, je suis un peu perdu.
Et je me demande si le problème vient de mon regard masculin, s’il ne faudrait pas un avis féminin pour éclairer ma lanterne. Donc, si une âme charitable veut se lancer dans ce premier roman difficile à cerner, qu’elle me fasse signe, je le ferais voyager jusqu’à elle avec plaisir.
Dans le jardin de l’ogre de Leïla Slimani. Gallimard, 2014. 215 pages.17,50 euros.