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Boomers (2014) : ces « vieux » Anglais

Publié le 07 septembre 2014 par Jfcd @enseriestv

Boomers est une nouvelle comédie de six épisodes diffusée depuis la fin août sur les ondes de BBC One en Angleterre. Nous y suivons le quotidien de trois couples récemment retraités vivant à Turnemouth dans le Norfolk que ce soit lors de funérailles, à un dîner d’anniversaire de mariage ou à des célébrations locales. Chacun des protagonistes a sa propre conception de la vieillesse et tous se remettent à un moment ou un autre en question. La nouvelle fiction de la BBC réunit une brochette d’acteurs impressionnants qui délivrent au mieux les rigoureux textes du scénariste Richard Pinto (Citizen Khan, Mutual Friends, etc.). On aurait préféré des mises en situation comportant davantage d’action, mais force est d’admettre qu’on nous offre un portrait attachant de cette génération d’après-guerre et quant à l’humour, cette série nous prouve bien qu’il n’est pas la chasse gardée des plus jeunes.

Boomers (2014) : ces « vieux » Anglais

Les petits travers d’une génération

Joyce (Alison Steadman) et Alan (Philip Jackston) n’ont pas tout à fait la même attitude par rapport à la retraite et la vieillesse. L’épouse ne sait où donner de la tête, surtout depuis qu’elle a été nommée à la tête de la société chorale de la ville. À l’opposé, Alan s’est toujours dit que la retraite serait l’occasion de passer plus de temps avec sa famille et ses amis, mais son côté solitaire reprend vite le dessus et ne sait pas quoi faire de ses dix doigts.

Dans le cas de Maureen (Stephanie Beacham) et John (Russ Abbot), la dynamique est tout autre. Ancien plombier, il est désormais secrétaire d’un club nautique et se montre toujours prêt à aider ses amis, même lorsqu’ils se passeraient bien de ses services. Maureen est beaucoup moins serviable, du moins lorsque vient le temps de s’occuper de sa mère Joan (June Whitfield), laquelle est quelque peu sénile. Égocentrique par moments et n’ayant surtout pas la langue dans sa poche, elle mord cependant dans la vie à pleines dents et son optimisme est contagieux.

Reste Trevor (James Smith) et Carol (Paula Wilcox) dont la relation est loin d’être au beau fixe. Celle-ci s’ennuie dans le quotidien et rêve de tenter de nouvelles aventures, ce qui est tout le contraire de son mari dont les anecdotes et le radotage tombent sur la tête de plus d’un. Au moment où la série démarre, Carol pense à le laisser, alors que lui ne voit pas d’ombre au tableau.

Boomers (2014) : ces « vieux » Anglais

C’est dans le quotidien de tout ce beau monde qu’on est à même de constater les défauts et qualités de cette génération. Par exemple, encore peu douée avec la technologie, Joyce ne cesse de secouer son téléphone cellulaire dans les airs croyant qu’elle attrapera un signal plus puissant, alors qu’Alan, un pot de yaourt vide à la main, prend une éternité à comprendre le (simple) fonctionnement du recyclage. Maureen aime bien prendre un petit coup lorsqu’elle conduit, comme si elle était encore dans les années 70 et le fait qu’elle confie sa mère à autrui le plus souvent possible plutôt que de s’en occuper fait écho à plusieurs personnes qui choisissent leur petit bien-être au détriment d’autrui. Enfin, il n’est pas rare qu’à la retraite, un couple comme celui de Trevor et Carol ne se sente pas à l’aise de vivre pour la première fois ensemble 24 heures sur 24 et que certains songent même au divorce (les anglais utilisent l’expression « silver splitting » pour qualifier le phénomène).

C’est surtout le fait qu’on ait affaire à des personnages très terre-à-terre qui fait de Boomers une série agréable à regarder. Chacun de ces personnages à l’écran, par leur authenticité, nous rappelle un membre de notre entourage et c’est ce qui explique sûrement la réception en grande majorité positive des critiques depuis le début de la série. Citons entre autres Jake Wallis Simons qui ne tarit pas d’éloges dans sa critique : « Boomers was so gentle in tone, so pawky and astute and unassuming, so well-observed and authentic and British ».

Boomers (2014) : ces « vieux » Anglais

Deux types d’humour

On est toujours surpris lorsque l’on se lance dans le jeu des comparaisons, dans ce cas-ci entre les Américains et les Britanniques lorsque vient le temps de dépeindre la vieillesse. Si on ne tient en compte que des séries humoristiques, celles d’outre-Manche n’ont pas peur d’oser. Pensons d’abord aux (més-)aventures de Hyacinth Bouquet dans Keeping up appearances dans les années 90. Bien que les protagonistes eussent dans la soixantaine avancée, jamais leur âge n’était au centre des intrigues. Plus récemment il y avait Vicious qui mettait en scène les tribulations d’un couple âgé homosexuel et de leurs amis. Comme le titre l’indique, l’humour était mordant (sitcom oblige), mais jamais offensif. C’est la même chose pour Boomers qui bien qu’elle n’ait pas la pression de faire rire des spectateurs en direct, contient plusieurs bonnes répliques. Par exemple : « When you start a new relationship, you take on their friends and their family, but at our age, you risk getting lumbered with their funeral as well » ou encore « Every two minutes someone jumps up and reads a poem or gets a bloody guitar out. That’s not a funeral, that’s Britain’s Got Talent ».

À l’inverse ces dernières années, jamais une comédie américaine n’a eu pour personnages principaux des gens du troisième âge, qu’on soit en sitcom ou en comédie. Et dans la plupart des cas, l’image qu’on nous transmet est peu flatteuse. D’abord, on ne nous les montre jamais dans une dynamique de couple, soit parce qu’ils sont divorcés ou veufs (Mom, Dads, Back in the game et même The Millers qui joue sur le thème de la séparation). Ensuite, on a droit dans ces séries à quelques libidineux grands-pères alors que les autres ont sans cesse des trous de mémoire (bien qu’ils aient à peine dans la soixantaine) et les blagues sur l’hygiène (odeurs d’aisselles, flatulences, etc.) sont légion. Pourtant, les deux pays connaissent sensiblement le même vieillissement de la population, sauf que les États-Unis sont obsédés par la tranche « consommatrice » des 18-49 ans, quitte à ignorer un public plus âgé, mais non pas moins fidèle au petit écran.

Boomers peut manquer de punch par moments, mais reste tout de même séduisante. On ne sait à ce stade si elle sera renouvelée pour une seconde saison, mais les séries portant sur ce groupe d’âge ont la cote chez les Britanniques. Le tournage d’une troisième saison de Last Tango in Halifax est en branle alors qu’une deuxième saison de Vicious est attentue pour 2015. What’s next?


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