Et voilà que le gouvernement Valls 2, après à peine plus d’une semaine de bons et loyaux services, doit se séparer de l’un de ses vaillants collaborateurs. Thomas Thévenoud, qui venait d’être nommé secrétaire d’État au Commerce extérieur, vient de déposer sa démission. Le politicien, relativement inconnu, sera remplacé, rapidement et sans bavures, par Matthias Fekl, un autre député PS, lui aussi à peu près inconnu des Français. Comme je le notais dans un précédent billet, la rapidité de ces remplacements montre assez bien la valeur ajoutée de ces ministres finalement très interchangeables.
Dans un gouvernement normal, cet accident politique ne pourrait être qu’une péripétie : un événement extérieur empêche un élu de mener à bien sa mission gouvernementale, il démissionne, l’affaire est réglée. Avec ce gouvernement normal, il en va un peu différemment. Et immédiatement, l’image d’une sortie de route par temps pluvieux vient à l’esprit…
D’abord, bien sûr, notre brave élu démissionne après seulement neuf jours en poste. C’est du rapide. On pourrait même parler de « précipitation » sans déforcer le terme. Devant cette rapidité, on est naturellement en droit de se demander ce qui a poussé le Secrétaire à une telle décision.
Et justement, la motivation de cette décision est assez croquignolette : démission au départ pour « des raisons personnelles », on découvre, de fil AFP en fil Reuters & Autres qu’en pratique, l’élu aurait eu quelques soucis au niveau de ses déclarations d’impôts. Plus exactement, il a admis avoir eu « des retards de déclaration et de paiement », oups, zut, et flûte, ce qui gêne un peu au niveau du col de chemise pour un gouvernement dont les membres doivent à présent publier leurs déclarations de patrimoine, transparence oblige. Cela fait évidemment désordre.
Et cela fait d’autant plus désordre qu’on apprend donc ses déboires fiscaux — qui n’ont, rassurez vous mes petits amis, « jamais fait l’objet d’aucune poursuite judiciaire ou fiscale » (au contraire d’un citoyen lambda, n’est-ce pas) — qu’après sa nomination. On se demande dans quelle mesure les ministres et secrétaires ont bien été correctement filtrés avant de se voir proposer leur poste. Cela laisse indéniablement traîner un arrière-petit goût d’amateurisme dans la bouche des Français de la part d’un gouvernement tout neuf qui devait inspirer la confiance.
Et c’est vrai que cela fait encore plus désordre, un donneur de leçon distributeur de bons et de mauvais points, qui n’hésita pas à siéger dans la Commission Cahuzac, et dont on découvre qu’il n’avait pas lui-même déclaré ses revenus (et donc, payé ses impôts) sur plusieurs années… Au passage, on ne pourra s’empêcher de noter qu’encore une fois, ce sont ces politiciens à la morale en bandoulière, qui sont les plus prompts à monter aux tribunes étaler leurs combats pour que leur conception spécifique de la morale soit respectée, qui se retrouvent emberlificotés dans des affaires à la morale douteuse.
Cependant, on peut aussi se rappeler que ses faits d’armes lui auront ouvert quelques portes, notamment celles d’Arnaud Montebourg, qui ne s’est jamais caché de l’amitié qu’il portait pour le fraîchement débarqué.
Or, dans un tout nouveau gouvernement, normalement débarrassé de ses pitres hauts en couleur, la proximité de Thévenoud avec Montebourg a dû largement jouer en sa défaveur. L’énorme malaise qui avait suivi les révélations de Cahuzac ayant sans aucun doute laissé une trace profonde dans l’esprit du président, et l’actualité lui étant (bien plus que d’habitude) extrêmement défavorable, on comprend que ni l’Élysée, ni Matignon n’ont eu d’état d’âme à se séparer du fautif. Alternativement, on n’aura pas de mal à imaginer que l’un ou l’autre opposant de Valls (et de Hollande, tant qu’on y est) avait tout intérêt à faire connaître les facilités de crédits fiscaux que Thévenoud s’était accordées, mettant ainsi le président et son premier ministre dans l’embarras. Question timing, difficile de faire mieux (ou pire, selon le point de vue). Quelle que soit l’hypothèse, le résultat est le même : le malaise s’installe.
Et le désagréable vertige qui s’empare de l’observateur politique moyen n’est d’ailleurs pas prêt de s’arrêter, puisque le député Thévenoud, attrapé dans ses oublis fiscaux et ne pouvant plus siéger au gouvernement, retourne à l’Assemblée Nationale dont il refuse de démissionner (ce qui, au passage, met en émoi les électeurs de sa circonscription, qui sont aussi des contribuables et n’ont manifestement pas bénéficié des mêmes mansuétudes de la part du Trésor Public local). Ceci s’explique d’autant plus facilement lorsqu’on se rappelle qu’à l’Assemblée, la majorité absolue du Parti des Parangons de Vertu n’est pas assez confortable pour se permettre de perdre aussi facilement du député au champ du déshonneur.
Intéressante configuration où, à mesure que les révélations s’empilent, les électeurs se rendent compte, petit-à-petit, que leurs élus forment surtout une brochette de pendards, d’escrocs, de magouilleurs et de fraudeurs plus ou moins habiles.
Navrance et consternation, l’impression d’avoir des bras cassés, des clowns et des improvisateurs patauds aux commandes du pays s’installe durablement ; la France semble tous les jours un peu plus « ingouvernée ».
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