Je reviens vers vous pour vous chroniquer un petit livre de Maupassant ! Ça faisait longtemps qu'un de mes amis me parlait de Bel-Ami avec beaucoup d'enthousiasme, me disant que c'était un livre qu'il avait beaucoup aimé, autant pour son personnage principal que pour l'écriture de l'auteur. Il ne m'a pas fallu longtemps pour me replonger dans Maupassant avec l'envie de découvrir ce qui lui plaisait tant chez cet auteur. Je n'avais pas Bel-Ami sous la main, mais j'avais par contre Une vie et Pierre et Jean. Autant vous dire que j'ai dévoré les deux en peu de temps, mai c'est seulement de Pierre et Jean que j'ai décidé de vous parler, du moins pour l'instant.
L’émotion intense, l’histoire cruelle et vraie, les odeurs de la mer, la lumière célèbre de l’embouchure de la Seine font de ce roman un des chefs-d’œuvre de Maupassant. »
Indirectement, c’est donc le thème de la
filiation et de la relation au père et à la mère qui est abordé à travers cette histoire. Bien que traditionnellement, les enfants d’une même famille soient liés par le père qui leur donne son nom, il semble que les deux frères soient ici davantage reliés par leur mère : elle est au centre de leur relation, elle est leur point commun.Pierre est par ailleurs un personnage assez unique au milieu de ce roman calme et limpide. Cette paisible atmosphère imaginée par Maupassant est à l’image de l’eau, qui entoure la ville du Havre mais aussi le roman en lui-même : celui-ci commence en effet par une partie de pèche en mer, et se termine avec l’image de l’océan, sur lequel Mme Roland se retourne. L’eau est un thème récurrent dans ce roman. Elle peut agir comme un miroir, qui reflète à Pierre son propre reflet ou celui de Jean. Elle peut aussi être là pour nous rappeler que « la vie est un long fleuve tranquille » qui, comme le cours d’eau d’une rivière, peut avoir à faire face à quelques obstacles, mais qui finit toujours par les contourner, et les oublier. A quel point les personnages peuvent-ils être influencés par leur milieu ?
Je n’ai pas trouvé ce roman ennuyant une seule seconde, et pourtant l’ambiance qu’il crée est claire, très douce, aucune tempête ne vient troubler le rythme paisible de l’écriture : malgré les crises de jalousie de Pierre, même le mystère de l’héritage et sa résolution ne parviennent pas vraiment à troubler le cours tranquille des choses.Même dans la scène où Mme Roland avoue son infidélité à Jean et lui apprend qu’il n’est pas le fils de son père, celle-ci peine à être réellement troublée : elle a « UN spasme », « UNE suffocation » avant de « sangloter » (p167). Elle a beau être « pâle » et « blanche » (Est-ce que Maupassant nous donne deux synonymes parce que cela ne provoque rien d’autre en elle ? Ou est-ce pour bien nous faire comprendre que, quand même, ça lui fait un petit quelque chose ?), ce ne sont pourtant pas des larmes mais des « gouttes d’eau » qui coulent de ses yeux. Ce sont les baisers de Jean qui mouillent ses joues, même pas ses larmes ! C’est un vrai numéro que nous fait Mme Roland lors de cette scène là : elle « suffoque », « tend la gorge », « renverse la tête pour respirer », etc. je pense que c’est une des scènes les plus drôles que j’ai pu lire. Même Pierre n’a pas voulu rester voir ça, il est parti avant que sa mère ne fasse son numéro de comédienne !Mais comme je le disais, là encore rien ne se passe puisque Jean lui dit immédiatement qu’il ne lui en veut pas, il lui répète « maman » ou « ma chère maman » un nombre incalculable de fois dans ce passage, il refuse de la laisser partir : à l’inverse de Pierre, il n’a aucune rancune envers sa mère, il semble même complètement indifférent à cette annonce alors que cela pourrait éventuellement soulever en lui des questions ou des troubles identitaires, il pourrait se sentir trahi, blessé, perdu, mais non. C’est quand même dingue que ce soit le fils qui console sa mère !Ah, et puis le père, n’en parlons pas : comme toujours il n’est au courant de rien, on ne sait pas s’il est mis de côté par les autres ou s’il fait l’autruche volontairement.Cette ambiance particulière vient peut-être aussi du fait que Maupassant agit ici, selon moi, plus comme un « conteur » que comme un narrateur : il n’adopte pas de point de vue interne mais sait se fait oublier pour mieux développer et expliquer les sentiments de chaque personnage. Ceux-ci s’expriment alors de manière pure et innocente, sans arrière pensée. Les sentiments et émotions des personnages (surtout ceux de Pierre) sont bien décrits, avec précision et réalisme, Maupassant décortique vraiment bien leur psychologie.
J'ai vraiment bien aimé ce petit roman qui, au premier regard, ne paye pas de mine. C’est la brièveté qui, selon moi, rend possible le rythme et l’énergie présents dans le roman, et qui fait en sorte que celui-ci ne s’étale pas dans des digressions ou dans des descriptions superflues.
Je me rends compte que j’insiste beaucoup sur cette brièveté, mais j’aimerais vous faire comprendre que, en lisant ce livre, j’ai eu l’impression d’ouvrir une petite chose sans prétention avant de le refermer presque tout de suite après : cette petite chose n’a pas fait de dégâts en moi et pourtant Pierre et Jean m’a marquée à sa manière, discrètement, sans faire de bruit, tout doucement mais sûrement.La résolution du « mystère » est très prévisible et se devine dès la lecture de la quatrième de couverture, mais la qualité de cette œuvre ne réside pas dans le fait que ce soit une œuvre à suspens ou qu’elle nous surprenne par une fin inattendue (si c'est cela que vous cherchez, passez votre chemin) ; c’est la psychologie des personnages, leur attitude face à cet élément perturbateur qui est intéressante. Chaque caractère se révèle à cette occasion, chaque émotion est démultipliée mais l’histoire se termine comme elle a commencé : dans le calme et sur l’eau.Bien que Pierre soit parfois détestable et que, à première vue, il provoque l’antipathie du lecteur, c’est un personnage que j’ai beaucoup aimé. Son caractère emporté, les réactions vives et spontanées dont il fait preuve, les tourments qui l’obsèdent en font, pour moi, un personnage plein de sentiments, d’émotions, d’espoirs, de déceptions, de ressentiment,à l’inverse de Jean qui est indifférent à l’infidélité de sa mère, Pierre doit apprendre à pardonner, à oublier et à vivre avec ;il est donc, selon moi, un personnage très humain
Les thèmes de la jalousie et des relations familiales y sont très bien abordés, Maupassant touche dans ce roman à quelque chose d'intemporel : cet événement aurait pu se passer chez n'importe quelle famille de n'importe quelle époque en provoquant les mêmes dégâts et les mêmes tourments. C'est un roman qui nous parle encore aujourd'hui et c'est une des raisons pour lesquelles il me plait.
Même si ce roman n’est pas un « coup de cœur », les thèmes abordés, le décor et la trame de l’œuvre ainsi que le personnage de Pierre sont autant d’éléments qui font qu'il m’a beaucoup plu. Je le conseille sans hésiter à tous ceux qui veulent découvrir Maupassant ou lire un petit classique : lancez-vous sans crainte.Après la découverte d'Une vie (que j'ai aussi aimé, je vous en parlerai peut-être ici) et la redécouverte de Pierre et Jean, je pense que je vais très probablement me laisser tenter par Bel-Ami avant la fin de l'année (il faut que je file en librairie l'acheter !) ainsi que par Le Horla et Boule de Suif que j'ai découverts chez moi hihi.
Et vous, vous avez déjà lu du Maupassant ? Dites moi lequel est votre préféré ou s'il y en a un par lequel vous pourriez vous laisser tenter !