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"Le passeur" de Lois Lowry

Par Secriture @SEcriture

- [...] la formation que tu vas suivre comportera de la souffrance. De la souffrance physique.
Il sentit la peur palpiter en lui.

p.105

Qu'est-ce qui constitue un monde parfait ? L'absence de violence, de guerre, de désolation ? Oui sans doute. Mais pour arriver à éradiquer la souffrance de l'esprit des Hommes, il a fallu les contrôler. Quand un individu a le choix, il ira toujours dans la mauvaise direction. Tel est le postulat qui pousse les dirigeants à instaurer l'Identique. Plus de différences, plus d'émotions, plus de doutes, donc plus de souffrances. Ainsi, la Communauté est construite de telle sorte à maîtriser chaque aléa de la vie : les naissances (50 par an), les professions (chacun se voit attribuer un poste à l'âge de 12 ans), et ainsi de suite.

C'est dans cet univers vide de sens que grandit Jonas, un jeune garçon de 11 ans. Bientôt, la cérémonie des douzes-ans va changer sa vie. Mais Jonas ne sait pas ce qui l'attend, il ne sait pas ce qu'il veut. Quelle profession le comité des sages va-t-il lui attribuer ? Quand, à la surprise de tous, il est sélectionné pour être le prochain dépositaire de la mémoire, sa vie bascule. L'actuel dépositaire lui transmet les souvenirs du monde et Jonas découvre alors des contrées inconnues, les saisons, les émotions, et même, les couleurs. Malheureusement, tous ces souvenirs sont accompagnés de maintes et maintes souffrances...

Le passeur de Lois Lowry est une perle. Roman d'anticipation destiné aux enfants, il va au-delà de toutes les espérences que je pouvais avoir. Très courte, très vive, l'intrigue est simple : un jeune homme doit absorber tous les souvenirs du monde, conserver le malheur en son sein, dans le seul but d'épargner à la Communauté de connaître la souffrance du passé. Plus d'erreurs, plus de malchance. Rien que la certitude d'un monde réglé comme une horloge suisse. 

La passeur est une force de la nature. Un roman qui laisse son empreinte dans le coeur des lecteurs. Comment imaginer un monde sans amour, sans émotions, sans passé ? Certes, la douleur pourrait bien disparaître, que nous en serions ravis. Mais le passé permet d'avancer. L'Histoire permet de ne plus reproduire les erreurs commises. Notre monde est imparfait, mais le monde de Lois Lowry ne l'est-il pas tout autant ? Le choix nous est-il bénéfique ? La permission d'échouer est-elle un handicap ? Pourquoi maîtriser une vie de la naissance à la mort serait-elle la solution à la guerre ? Qui sait... 

Le style épuré de l'auteur souligne la simplicité du récit et met en valeur l'idée que l'intrigue importe peu, que seule l'interprétation qu'on en fait, l'enseignement qu'on y gagne, comptent. La magie des couleurs surpassera toujours la fadeur de l'Identique. 

Les dernières lignes laissent l'histoire en suspens. Libre aux lecteurs d'écrire sa propre suite...

En bref, si vous n'avez pas encore eu l'occasion de dévorer ce roman, petits et grands, jeunes et moins jeunes, n'hésitez plus. C'est court, c'est fort et vous en ressortirez ravis. 

PS : le film prévu pour octobre 2014 en France semble totalement dénaturer l'atmosphère du livre... Déjà, pourquoi un héros plus vieux ? C'est simple : pour s'accorder aux canons du cinéma YA actuels. Le passeur (The Giver en anglais) est une aventure implicite et spirituelle dans le pays des souvenirs. Pourquoi le transformer en une pâle copie de l'excellent Divergente ?...


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