Comme nous l’affirmons à longueur de phrase, penser le renouveau nécessaire de la physique d’aujourd’hui consiste non pas à imaginer de nouveaux modèles mathématiques intégrant toutes les données des expériences, mais implique de retourner aux concepts de base qui la fondent. C’est sans aucun doute une sorte de revanche du philosophe sur le scientifique qui s’est arrogé le droit d’être seul maître de sa discipline. Ce retour à la philosophie consiste à penser les concepts fondamentaux à partir desquels cette science peut se déployer : toute expérience, toute mesure quantitative suppose d’élaborer un cadre rationnel de principes, de lois, de définitions du protocole expérimental.
La physique, étant avant tout une mécanique générale traitant principalement du mouvement des corps et de leurs rapports, la question principielle est alors la suivante : à quelles conditions le mouvement est-il possible ? La première et seule condition que nous analyserons ici est l’existence d’un espace. Il faut qu’un espace existe non seulement pour qu’un corps s’y positionne mais aussi pour qu’il puisse s’y déplacer. Si on peut imaginer un espace vide de corps, on ne peut penser un corps sans espace, si bien qu’on peut dire que l’espace doit préexister au corps.
Mais que signifie « préexister », être doté d’existence, d’être-là ? Cela suppose que l’espace soit doté de quelques attributs physiques qui permettent de l’inscrire dans le réel, car la science physique est par essence la discipline qui traite de la réalité de ce qui existe par ses actions et réactions.
A priori, l’espace n’a aucune réalité « matérielle » si bien qu’on a pu malencontreusement le traiter de « vide » et nous souffrons encore de cette dénomination. Car le vide de l’espace a-t-il un sens ? Qu’est-ce donc que penser le vide dans son absolu ? Ce vide-là est synonyme de néant, de totale inexistence. Dès lors, un objet ne pourrait pas s’y disposer puisque le néant serait son lieu.
De même son mouvement ne rencontrerait absolument aucune résistance, la moindre impulsion lui dispenserait immédiatement une vitesse infinie. Et en effet, une des conditions essentielles au mouvement est l’existence d’une résistance à celui-ci. Pour Einstein, cette résistance est interne au corps qui augmenterait sa masse en proportion de sa vitesse. Mais un photon qui n’a pas de masse pourrait atteindre une vitesse infinie.
Dès lors, si l’espace ne peut être assimilé à un néant, s’il doit avoir quelques attributs de l’existence, il faut lui en accorder certaines propriétés comme celle d’Etre comme substance. S’il existe comme substance, nous devons le traiter comme un objet physique susceptible d’agir et de réagir comme par exemple d’opposer une résistance au mouvement des corps en son sein. L’espace présente cette double caractéristique qui lui est propre : permettre le mouvement et limiter celui-ci. Fluidité et rigidité, comme nous l’analysions dans l’article précédent, sont non seulement compatibles mais fondateur dans une théorie générale du mouvement.