Carnets de labo 06 SEPTEMBRE 2014 | PAR MICHEL DE PRACONTAL
Schéma des interactions dans l'écosystème d'un récif coralllien © NOAAL’écologie a façonné la vision contemporaine de la nature, en nous permettant de comprendre comment les organismes interagissent avec leur environnement. Ses concepts expliquent comment fonctionne un écosystème comme un récif corallien ou une forêt tropicale, ou quels facteurs causent le déclin de la biodiversité ou stimulent une espèce envahissante. Mais à mesure que la discipline se développe et produit des théories de plus en plus complexes, elle explique de moins en moins de phénomènes ! Telle est la surprenante conclusion d’une étude publiée par des chercheurs de l’université McGill de Montréal, publiée dans la revue américaine Frontiers in Ecology and the Environment.En extrapolant leur analyse, Etienne Low-Décarie, Corey Chivers et Monica Granados aboutissent à « l’improbable mais inquiétante prédiction que le pouvoir d’explication de l’écologie sera nul d’ici un siècle », ainsi qu’ils l’écrivent (une présentation de cette étude se trouve dans Science).Comment Low-Décarie et ses collègues sont-ils parvenu à ce résultat paradoxal ? Ils ont analysé un ensemble de plus de 18 000 articles publiés entre 1913 et 2010 dans trois des principaux journaux scientifiques d’écologie (deux britanniques, Journal of Ecology etJournal of Animal Ecology, et un nord-américain, Ecology). Ils ont téléchargé cet ensemble d’articles, et ont utilisé des outils automatiques pour rechercher deux indicateurs, l’un qui mesure le nombre d’hypothèses testées dans un article donné, et l’autre qui évalue la valeur explicative des hypothèses avancées. Comme on pouvait s’y attendre, il est apparu que les chercheurs en écologie testaient de plus en plus d’hypothèses ; mais à leur surprise, Low-Décarie et ses collègues constatent aussi que ces hypothèses permettent de moins en moins d’expliquer ou de prédire les phénomènes étudiés.