#austéritéPar Jérôme Latta| Pour l’économiste américain Paul Krugman, non seulement la thérapie de choc de l’austérité et de la politique de l’offre se trompe de diagnostic, mais elle ne fait qu’aggraver les maux d’une économie française avant tout… hypocondriaque.Paul Krugman n’est pas seulement un économiste brillant, américain et keynésien, il a aussi un sens de la formule qui fait mouche dans ses chroniques pour le
New York Times. Il avait ainsi qualifié d’
« effondrement intellectuel » la capitulation de François Hollande et de son Pacte de compétitivité devant les dogmes austéritaires, s’alignant ainsi sur
« l’impuissance du centre-gauche européen ».
Adhésion servile à l’austérité
Pour commenter, cette fois, le remaniement express de la fin août (
« Le président Hollande a finalement montré un peu de nerf en supprimant énergiquement toute critique de son adhésion servile à l’austérité exigée par Bruxelles et l’Allemagne. »), il a évoqué sur son blog un
« syndrome de Stockholm ». « Qu’est-ce qui peut bien faire croire à Hollande et son équipe que la situation peut encore se retourner ? », demande-t-il, alors que les politiques menées depuis quatre ans en Europe n’ont pas obtenu la moindre relance économique et ont même conduit à la déflation.
Krugman ne s’en tient pas à ces formules, mais ne renonce pas à l’ironie lorsqu’il passe en revue
une série d’idées reçues sur l’économie française, chiffres à l’appui. Il montre ainsi qu’en termes de PIB réel, la France fait moins bien que l’Allemagne, mais nettement mieux que la zone euro, ou encore que le taux d’emploi des 25-54 ans (un peu moins de 81%) est bien plus élevé que celui des États-Unis (76%).
« Heureusement que nous savons tous que c’est la France le pays en crise, sinon vous pourriez être perturbés par des chiffres montrant que la performance de l’emploi y semble bien meilleure que la nôtre », commente-t-il.
Accélération du cercle vicieux
Rapporté au PIB, le déficit commercial de la France est, lui, dans les eaux de celui des États-Unis, très loin de celui atteint par ceux-ci durant le "Bush Boom" du milieu des années 2000. L’économiste estime par ailleurs que l’inflation, qui fluctue à la baisse sous l’objectif conventionnel des 2% depuis 2008, indique un problème de demande bien plus que d’offre, à rebours de la politique menée par le gouvernement. Il observe enfin qu’alarmés par la capacité de remboursement de la France, les investisseurs internationaux refusent de lui prêter de l’argent autrement qu’à des taux d’intérêts à long terme… historiquement bas.
« L’économie de la France ne ressemble en rien au tableau que tout le monde en dresse », résume-t-il. Pourtant, François Hollande s’enfonce dans une politique de l’offre qui serre toujours plus les ceintures. «
Et le résultat en est l’accélération d’un cercle vicieux dans lequel l’austérité fait chuter la croissance, ce qui aggrave les déficits, ce qui conduit à toujours plus d’austérité. » Paul Krugman conclut par une ultime punchline :
« Ce dont souffre la France, c’est d’hypocondrie, de maladies imaginaires – et cette hypocondrie la conduit à adopter une thérapie de charlatans qui est la véritable cause de son mal. »L’éditorial intitulé
"La Chute de la France", publié dans l’édition imprimée du
New York Times, enfonce le clou.
« L’Europe a désespérément besoin que le chef d’une de ses économies majeures se lève pour dire que l’austérité tue toute perspective économique sur le continent. Hollande aurait pu et aurait dû être celui-ci, il ne l’est pas. (…)
En trahissant la France, il trahit l’Europe tout entière – et personne ne connaît encore l’ampleur des dommages qui en résulteront. »