Une pièce de Francis VeberMise en scène par Agnès BouryDécors d’Edouard LaugLumières de Laurent BéalCostumes de Juliette ChanaudMusique de François PeyronyAvec Patrick Haudecoeur (François Pignon), José Paul (Pierre Brochant), Grégoire Bonnet (Lucien Cheval), Patrick Zard’ (Juste Leblanc), Florence Maury (Christine Brochant), Anne-Sophie Germanaz (Marlène Sasseur), Stéphane Cottin (le docteur Sorbier)
L’histoire : Chaque semaine, Pierre Brochant, grand éditeur parisien, et ses amis organisent un dîner de cons…Le principe est simple : chaque participant amène un « con ». A la fin de la soirée, celui qui a dégoté le plus spectaculaire est déclaré vainqueur. Ce soir, Brochant exulte ; il a déniché la perle rare, un con de classe mondiale : François Pignon, fonctionnaire au Ministère des Finances et fou de maquettes en allumettes.Mais l’éditeur ignore que Pignon, prêt à tout pour rendre service, est passé maître dans l’art de déclencher des catastrophes !La rencontre entre deux destins qui n’auraient jamais dû se croiser…
Mon avis : Ah le con ! Mais quel con !...Il y a belle lurette que Le Dîner de Cons fait partie de notre patrimoine via ses différentes adaptations au théâtre (cinq) et son film. Plusieurs générations le connaissent quasiment par cœur… Un peu plus de vingt après sa création au Théâtre des Variétés, la pièce de Francis Veber revient donc sur la scène de la Michodière dans une toute nouvelle distribution. Même si on sait ce Con va voir, on y court pour découvrir à quel niveau sur l’échelle de Richter de la Connerie va se situer le François Pignon estampillé 2014. D’autant que Jacques Villeret, qui a joué deux fois la pièce et le film, avait mis le curseur presque en dehors des limites de tout contrôle technique.
Et bien Patrick Haudecoeur crée une sorte de Pignon-étalon. Un Concentré. Il est sans Concurrence. D’ailleurs, j’ai entendu Francis Veber déclarer dans une émission de radio que cette version de son Dîner était la plus fidèle à l’originale. Avec de tels propos venant de son créateur, Patrick Haudecoeur hérite du statut de Con sacré. Et non pas de sacré con. Surtout pas. Car il le joue avec une telle finesse, un tel naturel et une telle humanité qu’il nous attendrit autant qu’il nous fait rire. Bref, ce Con plaît. Complètement. Il est Convaincant.
Il est donc inutile de raConter l’histoire. On arrive au théâtre de la Michodière en terrain connu. On y vient pour découvrir dans quels abîmes de désarroi Brochant va se perdre, emporté par ce tsunami qui lui veut du bien. Car Pignon est un Con bien, un Con-battant, un gentil Con. Il ne sait pas quoi faire pour rendre service à son hôte (il faut bien qu’un Con serve). Et plus il se dévoue, plus il déchaîne de catastrophes. Il devient totalement inContrôlable… Sur le plan simplement relationnel, avec Lucien Cheval, son collègue des Impôts, Pignon se révèle est aussi être un bon Compagnon, un Con-pote en quelque sorte. Donc Pignon a bon fond, c’est un brave homme qui, en plus, certes avec un temps de retard, a Conscience de ses bévues et des dégâts qu’il cause. Il ne sait pas quoi faire pour se rattraper et il envenime encore plus la situation.
Le Dîner de Consest une mécanique imparable, aux rouages parfaitement huilés. Certaines répliques deviennent totalement inaudibles tant les spectateurs rient. La fameuse scène de « Juste Leblanc » - un tube ! – se déroule sous les hoquets et les étranglements. Une telle communion, c’est un bonheur.
Mais pour que le Con-texte, pour que la sauce prennent, il faut qu’il y ait en face de l’incontrôlable Pignon un partenaire à la hauteur. José Paul compose un Brochant inaltérable, du moins au début. Car, petit à petit, sa suffisance va se déliter. C’est un rôle que l’on ne peut pas sur-jouer. Il faut être sans cesse dans la justesse ; que les mimiques, les réactions soient en permanence crédibles. Avec sa voix grave, son élégance naturelle, son sens de la comédie, son métier, son goût pour le partage, José Paul est le complice idéal de Patrick Haudecoeur. On connaît l’impact des duos antagonistes dans les comédies. C’est un truc qui marche si les rôles sont parfaitement assumés, si aucun des deux n’empiète sur le registre de l’autre. Patrick et José forment un vrai tandem… En outre, ce ne doit pas être évident pour José Paul de tenir toute la pièce en simulant un tour de reins et, surtout, on se demande comment il fait pour ne pas éclater de rire devant les facéties inénarrables de son partenaire.
Autour de ce duo, les autres comédiens tirent leur épingle du jeu. Mention particulière toutefois pour la composition de Grégoire Bonnet dans le rôle de Lucien Cheval. Son attitude lorsqu’il apprend son infortune fait hurler la salle de rire.
Cette pièce est logiquement partie pour durer un bon moment. C’est tout le bonheur qu’on leur souhaite. Après tout, lors d’un Dîner, il est logique que les Cons vivent…
Gilbert « Critikator » Jouin