Le temps politique s'accélère fortement, peut-être comme jamais sous la Cinquième, en cette rentrée politique. Comme si la digestion des Municipales et des Européennes avait duré tout l'été et que les effets se réalisaient seulement maintenant. Je ne reviendrais pas sur le résumé des épisodes précédents tant la chronique politique les a bien relaté, décortiqués, mais peu mis en perspective. Car le constat est désormais unanime, à droite comme à gauche, dans la presse alternative comme dans les médias maintsream: le gouvernement ne mène pas une politique de gauche. La question de savoir si le Parti qui le soutient (le PS) peut être sorti dans son ensemble du qualificatif de "gauche" reste en débat mais nous savons désormais à quel pouvoir nous avons affaire (le Président avait d'ailleurs dit sitôt son élection acquise qu'il n'était pas un Président socialiste...).
Ceci se manifeste, se concrétise par une évolution très notamble de l'appréhension de la situation par le personnel politique: pour la première fois le Front de Gauche appelle à une dissolution, de même que François Bayrou, Nicolas Dupont Aignant, une partie de l'UMP et jusque chez certains socialistes. Ce qui était jusqu'ici vu comme une rhétorique inimaginable par les représentants de l'oligarchie politique devient palpable, et avec elle la fin du Régime de la Cinquième République. Des titres interrogeant sur le possible statut de dernier Président de la V° République pour François Hollande apparaîssent de ci de là. L'hypothèse est si crédible que les ténors de la Droite sont contraints de sortir des postures pour clamer que l'UMP n'est pas prête à gouverner si nouvelles élections legislatives survenaient. Marine Le Pen annonce, elle, qu'elle est prête à gouverner en cohabitation avec le Chef de l'Etat, ajoutant un nouveau clou dans le cercueil de cette République qui devait être sauvée par l'inversion du calendrier censé empêcher toute nouvelle cohabitation...
Devant ce constat, et la dégradation prévisible de la conjoncture économique et politique de la France, quelles perspectives s'offrent à François Hollande dans les mois qui viennent?
1) Ne rien changer? Qu'il y croit réellement ou non, l'hypothèse officielle de Hollande est celle d'une ligne politique (libérale) clarifiée et de la fin des couacs par une équipe gouvernementale ressérée sur des personnes en phase avec la ligne. Là, première brèche, Christiane Taubira, (dont le maintient au gouvernement doit probablement plus à l'enjeu personnel qu'à une cohérence de ligne politique) n'est pas du tout sur la ligne économique et sociétale de Manuel Valls. Restera-t'elle sage jusqu'au bout? C'est un risque pour le Premier ministre... Le pari est que les parlementaires ne prendront jamais le risque de faire tomber le gouvernement PS et que la Fronde se rangera sagement au moment de chaque vote d'importance. Avec l'option du renfort de quelques voix de droite qui permettront de tenir jusqu'aux présidentielles en cas de rares défections. La Triangulation ayant mis l'UMP sur la paille idéologique, tenaillée entre Valls et Marine Le Pen, elle a désormais le même intérêt que le Parti Socialiste, faire le dos rond en attendant le grand show de 2017.
Cette hypothèse tient sur le plan des équilibres politiques tant on voit mal des députés contestataires assumer ce qu'ils n'ont pu assumer au moment du TSCG, de l'ANI, de la hausse de la TVA,... Les coups de menton de Manuel Valls et de François Hollande, l'expulsion des rebelles Hamon et Montebourg sont autant de "chiche" à destination de la majorité. Un ultimatum calculé signifiant: descendez du train ou taisez-vous pour toujours. Non, le soucis risque de venir de trois courbes désignant le réel à un pouvoir qui fait tout pour ne pas le voir: celle du chomage, celle de l'endettement et celle de la popularité du chef de l'Etat. Trois courbes qui incarnent le lien démocratique de François Hollande avec le peuple. Trois courbes qui ne font que monter. La question qui se pose est celle de l'étincelle qui déclenchera la dernière crise. Le seuil qui symbolise la ligne rouge. Est-ce les 4 millions (de chomeurs)?, les 100% (d'endettement)?, les 5% (de popularité)? Le personnage est suffisamment cynique et protégé par une fonction ubuesque pour avoir la capacité d'abandonner toute ambition démocratique et d'aller au bout quelles que soient les conditions du lien avec le peuple. A ma connaissance aucune démocratie n'a jamais vu un dirigeant se maintenir au pouvoir avec de tels chiffres. François Hollande se considère-t'il en démocratie? Personne, même Valérie Trierweiler ne le sait...
2) L'hypothèse de la dissolution est la plus probable. Elle peut venir assez rapidement. Si la majorité venait à faire tomber le gouvernement en tentant le coup de force pour imposer une nouvelle ligne, (par exemple si Martine Aubry sortait du bois en etant prête à sauver le quinquennat), le Président serait contraint de dissoudre avant la fin d'année (le double vote sur la confiance au gouvernement et sur le budget etant des moments suffisamment institutionnels pour trancher cette question). Son tout pour le tout libéral ne peut plus s'accompagner d'un retour en arrière, d'une acceptation de l'échec de sa politique qui reviendrait à remettre en question son élection même. François Hollande peut encore se réfugier derrière sa fonction qui n'est pour l'heure pas remise en cause puisque c'est bien la politique du gouvernement qui est contestée par la quasi totalité de la population. Il a brûlé ses navires et Manuel Valls est très certainement le dernier Premier Ministre PS du quinquennat. L'hypothèse Martine Aubry est donc nulle et revient à dissoudre.
Mais qui peut croire à un tel renversement aujourd'hui? Les frondeurs ont eu l'occasion de montrer leur force et leur détermination. Ils ne franchiront pas le Rubicon. L'UMP ne déposera pas de motion de censure pour les raisons évoquées plus haut et Marine Le Pen comme Jean-Luc Melenchon restent cantonnés à un pouvoir tribunicien. Non, seule une étincelle extérieure (un épiphénomène comme aurait pu l'être le livre de Mme Trierweiler), un élément imposé de Bruxelles ou un retour de lucidité peut entraîner le chef de l'Etat à dissoudre. Il aurait plusieurs bons motifs pour cela.
Le premier serait de contraindre l'UMP à assumer le pouvoir sur une ligne qui a échoué depuis 2012, manoeuvre qui reviendrait à transférer l'impopularité directement sur l'opposition. François Hollande ne serait pas nécessairement mieux à l'arrivée de la présidentielle mais il aurait tué l'UMP et ses chefs.
Il n'est pas à exclure qu'une élection législative sous une très forte abstention donne une courte majorité au FN dans les mêmes mécanismes que pour les dernières élections. La question serait plus complexe pour lui car il serait alors obligé d'assumer une opposition institutionnelle au Premier ministre ou de se voir transformer en pots de fleur comme l'a supputé la présidente du Front National. Il en a tout a fait le pouvoir et pourrait paralyser les institutions, avec le risque de victimiser de nouveau le parti d'extrême-droite. Ce serait la situation la plus risquée, mais guère plus que la première hypothèse de ce billet qui reviendrait capituler d'avance avant l'élection présidentielle.
Il n'est pas à exclure qu'une nouvelle législative s'inscrive sous une clarification via la formation d'un gouvernement d'Union Nationale. L'UMP et le PS feraient alors campagne commune pour le "salut public", ce qui gêlerait la situation jusqu'à la Présidentielle mais serait risqué quand aux chances des uns comme des autres. Surtout la question du Premier ministre tout a fait sacrificiel pour le coup serait complexe à résoudre et cela pousserait tous les partis de gauche dans une opposition très dangereuse pour le courant libéral. UMP comme PS savent que la ligne politique resters impopulaire mais effectue ses calculs non sur le plan démocratique mais sur celui du fonctionnement instutitionnel.
3) Certains se sont aventurés à demander la démission du Président. Généralement des personnels politique peu sérieux, peu crédibles, tant cela serait un contresens quand à la psychologie du Président en exercice et sur le plan de la logique institutionnelle (n'oublions pas que le fait d'imputer au Président une orientation économique est une dérive des pratiques, qui ne se rattache à aucun élement constitutionnel). En outre cela signifierait la fin politique de François Hollande.
4) L'hypothèse Constituante serait vraisemblablement la seule manière pour François Hollande de se sortir par le haut de la nasse dans laquelle il s'est placé. Coupant court à tout le passé il deviendrait le sauveur de la Nation, irrresponsable des politiques menées depuis 2012, coupant l'herbe sous le pied de l'opposition de gauche et assassinant le Front National qui ne s'est jamais interrogé sur son attitude face à une telle perspective tant il est obnubilé par l'Union Européenne. Il tuerait sans doute par la même occasion le Parti Socialiste, mais s'en préoccupe-t'il? Qu'il tente d'orienter le nouveau Régime vers une République libérale importe peu à ce stade puisqu'il aurait trouvé un aboutissement personnel qui l'immuniserait de toute retombée ultérieure.
La cohérence politique de cette hypothèse me semble sérieuse mais en contradiction, là encore, avec ce qu'est humainement et politiquement François Hollande. L'histoire est pleine de surprises et de Napoléon premier Consule à Louis-Napoléon président puis empereur, sans parler du Général, pourfendeur du cononialisme, notre pays a déjà connu des décisions improbables. Cette interrogation nous questionne sur l'intelligence politique réelle de Hollande et sur sa vision de l'Histoire. D'aucune le considèrent comme un haut stratège pour avoir manoeuvré le PS pendant dix années. C'est possible, à moins qu'il n'en ait été que le concierge... Du reste il faudrait pour cela que l'Enarque libéral bourgeois qu'il est ait gardé suffisamment de lucidité pour constater la sitation dans laquelle il s'est mis (sans parler de celle du pays, cynisme oblige). Nombre d'observateurs ont maintes fois démontré combien les institutions de ce Régime avaient la capacité à sortir ses dirigeants du réel. Comme on le voit, comme souvent en politique l'on finit sur des considérations psychanalytiques, voir médicales...