Métamorphoses // De Christophe Honoré. Avec Amira Akili, Sébastien Hirel et Mélodie Richard.
Christophe Honoré poursuit son amour des corps avec un film particulièrement étrange qu’il est difficile de cerner au premier regard mais qui au fond correspond à merveille au titre et surtout à la référence qu’il suggère. En effet, Christophe Honoré a décidé de mettre en scène les poèmes d’Ovide, un poète latin né en 43 avant J-C. Il s’est alors intéressé à Métamorphoses, un long poème épique de 15 livres et douze mille vers. Impressionnant non ? En tout cas, c’était un film courageux dans le sens où il va clairement à contre sens de ce que l’on a l’habitude de voir. On se rapproche ici un peu du très étrange Les amours d’Astre et de Céladon d’Eric Rohmer. Honoré tente ici de se renouveler après le semi-échec qualitatif de son précédent film musical. Il avait tenté de refaire Les Chansons d’Amour sans y parvenir. Ici il s’intéresse à la mythologie latine et grecque. C’est très déroutant comme film d’ailleurs car dans un monde contemporain on voit évoluer des Dieux au milieu d’êtres qui tentent justement de comprendre ce qui leur arrive. Certains vont croire, d’autre non. Et cela va forcément avoir des conséquences un peu de partout.
Devant son lycée, une fille se fait aborder par un garçon très beau mais étrange. Elle se laisse séduire par ses histoires. Des histoires sensuelles et merveilleuses où les dieux tombent amoureux de jeunes mortels. Le garçon propose à la fille de le suivre.
L’histoire joue aussi beaucoup sur les fameuses Métamorphoses. Je ne connais pas les poèmes d’Ovide (et je dois avouer que je suis moyennement motivé par 15 livres à lire) mais la manière dont Christophe Honoré tente de les mettre en image est tout de même quelque chose d’assez fascinant et sensationnel. On ne pouvait pas en attendre moins de la part de ce film. Il nous offre un spectacle de grand virtuose, épique dans un monde moderne tout en conservant malgré tout un côté très naturel (Métamorphoses se déroule énormément en extérieur, dans les bois, au bord d’un lac ou d’une rivière). Il y a des scènes assez étranges (notamment celle du mythe d’Hermaphrodite qui est à la fois drôle et terrifiante) mais d’autres beaucoup plus intéressantes (notamment toute cette histoire autour de Jupiter ou encore Venus et sa jalousie dévorante). Le film n’a donc aucune limite si ce n’est qu’il veut représenter les mythes à sa façon et avec toute l’imagination de Christophe Honoré que je trouve vraiment jouissive. En effet, j’aime beaucoup ce que ce dernier nous délivre ici en guise de nouvelle oeuvre. Aussi curieuse soit-elle, je la trouve tout simplement fascinante.
Le film se veut aussi sensuel et dévorant. Il veut nous prendre dans ses bras pour mieux nous jouer un mauvais tour. Quoi qu’il en soit, la sensualité, Christophe Honoré la connaît bien. Il l’a déjà mise en scène dans tous ses précédents films. Le sexe n’est jamais vulgaire d’ailleurs, toujours sublimé. Mais au delà de ça on retrouve aussi tout ce qui fait le charme du metteur en scène et je parle bien évidemment de toute cette histoire de fétichisme des pieds. Car oui, ce n’est pas la première fois que l’on voit Christophe Honoré se concentrer autant sur les pieds et les jambes de son casting (sans trop en faire pour autant). Par ailleurs, les mythes sont réinterprétés à la sauce 2014. On a donc Narcisse qui va se suicider en sautant d’un immeuble plutôt que de se noyer (sa vraie mort dans la mythologie) ou encore Europe qui va se faire kidnappée par un camionneur contrairement à un taureau blanc dans la vraie histoire. La mythologie est donc réinterprétée comme si cela pouvait se dérouler à notre temps. Ce n’est pas toujours parfait (quelques longueurs se font ressentir même si au fond il n’y a pas de réel déplaisir).
Note : 8/10. En bref, une oeuvre aussi étrange que fascinante.