Rien, rien, rien, ne me laissait présager que ce roman québécois serait un tel coup de cœur pour moi, en ce moment, alors même que je ne recherchais que des livres pour cette Rentrée 2014, mais heureusement une très aimable libraire m’a conseillé celui-ci comme étant un vrai bijou et j’ai bien fait de lui faire confiance, d’autant plus que je découvre ce matin qu’il pourra figurer sur la liste du Défi Québec-O-Trésors que Karine vient de lancer.
Je m’aperçois également que de très nombreuses blogueuses l’ont déjà lu, ce livre, et que leurs billets sont tous enthousiastes et admiratifs. Et dire que je ne connaissais pas encore son existence! Je crois que bien davantage que le résumé qui figure sur la quatrième de couverture qui m’a surtout fait penser à un roman, genre « Nature Writing » – ce dont s’est défendue l’auteur dans une interview – c’est surtout le joli titre qui m’a décidée:
«Il pleuvait des oiseaux», c’est déjà beau en soi mais il s’avère très vite, dès les premières pages, que ce n’est pas un titre poétique puisque c’est la triste vérité d’un drame trop méconnu qui a eu lieu en 1916, dans le nord de l’Ontario, où se déroule justement l’action. Ce sont les Grands feux de Matheson. " La catastrophe emporta 223 personnes, dont des familles entières. L’incendie fut l’un des pires de l’histoire canadienne."
Dès les premières lignes la trame du récit nous est donnée, ce qui prouve que l’essentiel est ailleurs dans les interstices, l’intime, ce qui se ressent plus que ce qui arrive.
Où il sera question de trois disparus, d’un pacte de mort qui donne son sel à la vie, du puissant appel de la forêt et de l’amour qui donne aussi son prix à la vie. (…)
L’histoire est celle de trois vieillards qui ont choisi de disparaître en forêt.Trois êtres épris de liberté
-La liberté, c’est de choisir sa vie.
- Et sa mort.
C’est ce que Tom et Charlie disent à leur visiteuse. A eux deux ils font presque deux siècles (…)
Le troisième ne parle plus . Il vient de mourir (…)
Ted ou Ed ou Edward, la versatilité du prénom de cet homme et l’inconsisteance de son destin hanteront tout le récit. ( Il s’agit de Boychuck, le peintre, le rescapé de l’incendie, celui qui courait, aveugle, sur les braises, l’amour fou des jumelles, ces deux filles splendides qui le virent ce jour-là et le cherchèrent toute leur vie …)
La visiteuse est la photographe et n’a pas encore de nom.
Et l’amour? Eh bien il faudra attendre pour l’amour.
Marie Desneiges, difficile de l’oublier, celle-là! Quel destin! Et puis arriveront Steve et Bruno, les camarades qui les aident à tenir, et le chat, les chiens, les loups, la police, la fuite, l’exposition de peintures et tout le reste. Des pages entières si belles que je voudrais les recopier. Le temps trop court, la vie trop longue, la liberté choisie pour les derniers moments, la vie si dure mais si libre en forêt, le froid, la solitude, la mort toute proche qui rend plus libre encore, et l’amitié, l’amour, l’entraide, l’art, la création…jusqu’à la fin, terrible, jusqu’au bout.
C’est un pur émerveillement, ce roman. Je comprends pourquoi il a reçu tous ces Prix et ces éloges dans ces billets, tous unanimes et positifs d‘Aifelle, Clara, Cathulu, Karine, Lewerentz, Sylire, Antigone, et ce matinencore, paru en même temps que le mien, celui de Gambadou,
Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier
(Denoël, roman, 2013, 204 p.)