J'inaugure avec Ben Mazué le premier épisode de cette série spéciale "rentrée".
L'idée est simple, présenter quotidiennement un des artistes que j'ai envie de suivre de près en cette rentrée 2014-2015. Parmi la sélection : des petits nouveaux mais aussi d'autres que tu connais peut-être déjà. Sans forcément m'étendre longuement sur chaque projet, mon ambition est de te permettre de découvrir ce qui me tient particulièrement à coeur dans la musique en ce moment.
Le second album de Ben Mazué, 33 ans, sortira le 22 septembre. Il propose une galerie de portrraits organisée autour de 5 âges "repères". 14 ans est le récit de la première fois d'une ado amoureuse, 25 ans et 35 ans racontent à deux voix une rencontre en soirée, 54 ans est la touchante confession d'un homme qui quitte la vie active prématurément (impossible de ne pas penser à l'album Gibraltar d'Abd Al Malik à ce moment précis) tandis que "73 ans" est le monologue téléphonique d'un retraité donneur de leçons qui clot cet album séchement.
Comme le laissait entrevoir son premier album (et les 3 EP qu'il a publiés), Ben Mazué oeuvre à la perfection lorsqu'il s'agit de croquer avec tendresse les portraits de ses contemporains.
Quelque soit le processus narratif employé, quelle que soit la mise en situation choisie, il réussit à nous faire partager les sentiments de ceux qu'il évoque. C'est un fait, à la naissance, cet homme a reçu le don d'empathie. Ce n'est sans doute pas un hasard s'il avait initialement choisi d'embrasser la carrière de médecin. Il a dévié, en cours de route, tant pis pour les patients qu'il n'accompagnera pas, tant mieux pour la musique.
Cet homme observe attentivement ceux qui l'entourent et met au coeur de ses albums, l'humain. Ben Mazué est celui qui regarde les autres passer mais n'oublie pas d'avancer. D'ailleurs, sur la pochette de ce nouvel album, il est là, posé, au milieu d'une foule qui semble s'activer, le regard perçant, il regarde droit devant.
Cet homme là aime les gens et ça se ressent en l'écoutant. Il aime aussi les mots, les jolies formules, jouer avec les sens autant qu'avec les sons (comme en témoigne le drôle d'exercice de style qu'est la réconciliation).
33 ans c'est un peu deux albums en un, au fond. Car on y trouve à la fois des titres dans lesquels Ben Mazué raconte la vie des autres et des morceaux dans lesquels on devine un peu la sienne, en transparence, plus ou moins clairement, avec la part de flou qu'autorise l'autobiographie lorsque la fiction s'en mêle et que l'auteur choisit d'instiller quelques parts de lui-même dans son récit.
En guise d'ouverture, l'onde est un instantané, un billet d'humeur sur le temps qui passe et nous échappe un peu. Plus loin, deux titres façon comptine pop (Oui-oui et Chamallow) évoquent sa récente paternité et la douceur sucrée du clan auquel il revendique l'appartenance, celui des "gentils".
Dans cet album, oui, il y a un peu de sa vie. Certains titres résonnent comme un doux écho à ceux de l'album précédent. Ainsi peut-être qu'on ira loin, une des plus belles déclarations d'amour qui soit, s'écoute comme la suite de C'est léger qu'on avait découvert sur le premier album. Oui-oui dit le bonheur d'être père et semble s'inscrire dans la continuité logique de Papa.
Cet homme qui avance dans la vie doit aussi faire face à la disparition de ceux qu'il aime : Vivant est un titre poignant qui dit la difficulté face à l'absence, qui évoque magistralement la vie qui continue malgré l'incurable douleur.
Mention spéciale à Ruby, lettre de rupture et invitation à la danse, piquante comme il se doit, adressée à une jolie poupée dont la vie se résume à briller en société.
Pour ma part, j'aime particulièrement les titres datés, ceux qui racontent un âge, chaque morceau ayant sa propre personnalité. La pureté des arrangements, le travail d'orfèvre sur le choix des mots, la douce mélancolie qui émane de chacun de ces portraits me touchent profondément et font de ces morceaux des petits trésors que j'aime écouter tous à la suite, comme pour me laisser envelopper par l'atmosphère si particulière qui s'en dégage.
A noter que les âges font l'objet d'une mise en images. Le premier titre, 14 ans, a ainsi fait l'objet d'un clip, dévoilé dernièrement. Cette superbe vidéo laisse augurer le meilleur pour cette série. Vivement la suite!
Mon top 3 de l'album "33 ans"
1. Peut-être qu'on ira loin, magnifique déclaration d'un couple qui a décidé de faire face à l'obstacle du temps. C'est plein d'espoir sincère et beaux sentiments. Un morceau qui donne envie de croire que l'amour peut durer.
2. Vivant, pour son texte dans lequel chacun se retrouvera un peu, forcément. Pour son extraordinaire capacité à faire venir les larmes aux yeux. De la beauté qui fait pleurer.
3. 35 ans pour ses lignes de piano obsédantes et l'évocation délicate d'une addiction mondaine qui a trop duré. Titre hypnotique.
Ben Mazué sera en concert le 12 novembre à l'Européen et tu peux d'ores et déjà réserver ta place par ici.