Cabadzi a le verbe fougueux et la hargne pas toujours contenue. Entre spoken word et slam, Cabadzi déclame des textes dont la scansion se fait parfois rude pour appuyer un peu plus fort sur les zones sensibles.
Cabadzi chante la violence d'un monde contemporain âpre et rugueux à travers des personnages qu'on imagine être le fruit d'une introspection qui n'oublierait de passer en revue les recoins les moins reluisants, ceux qu'on oublie souvent de mettre en avant.
Côté musique c'est inclassable et c'est ce qui les définit le mieux. On a parlé de hiphop, de rock et de slam, on a évoqué de possibles parentés artistiques avec d'autres qui ont connu un succès fulgurant (je pense à Fauve, quand je parle de Cabadzi, le rapprochement dans la bouche de ceux avec lesquels je m'entretiens, est réccurent), on n'a peut-être pas suffisamment mis en avant le tempérament de ce projet et la qualité d'écriture qui le sous-tend. Car ces deux qualités en font un groupe à part.
Inutile de lui chercher d'imaginaires cousins, Cabadzi marche sur des terres qui lui sont propres, parcourt des territoires peuplés de mots qui font mouche, de mots qui touchent, portés par des arrangements riches; ici des cuivres puissants, là des violons caressants, plus loin des claviers entêtants... Si le style Cabadzi se reconnait aisément, notamment grâce au timbre particulier d'Olivier Garnier, impossible de se laisser gagner par l'ennui à l'écoute de cet album, de prévoir ce qui nous attend à la première écoute. La surprise, délicieuse, est permanente. C'est dense, urgent et intense.
Il y a là de l'amour, de la colère, de l'envie, des aspirations, de la douceur, de l'aigreur, de la frustration aussi. Bref, dans cet album, il y a de la vie, avec ses pleins et ses déliés, ses percées de lumières et ses zones d'ombre; de la vie "en entier", dans sa version non édulcorée.
Des angles et des épines, nouvel album de Cabadzi est bourré de sentiments passionnés, de poésie et balaie du regard le monde qui nous entoure. Il n'oublie pas de laisser la parole à ceux qui se sentent exclus, à ceux qui ont fait des choix différents, ceux qui se sentent discordants.
L'amour des mots et du projet peaufiné a conduit Cabadzi à rédiger un texte original, une "tracklist narrative" qui présente mieux que je ne saurais le faire ce bel album qui sortira bientôt (la sortie annoncée pour le 22/09 aurait été reportée) :
Les féroces intimes (1) que l'on cache n'étouffent pas le bruit des portes (2). Cent fois (3) tu tourneras te demandant pourquoi nous sommes deux femmes (4). Mon ami (5) ne t'en fais pas, c'est l'éveil qui approche quand la nuit est plus sombre (6). Chacun vit ainsi, avec au fond de lui un cancre ultime (7) dont l'ombre est l'odeur (8) des choses qu'on lui cache, la messe noire (9) des désirs qu'on ressasse. Solitaire paisible dans tes douceurs et tes rires, tu n'auras qu'une seule chose à dire : D'en haut, la ville est belle en bas (10).
Ainsi tu éviteras tous ceux qui en pensent qu'à s'aimer vite * dans le chaos d'une dérisoire détresse. Ainsi tu crieras, heureux, bonjour tristesse *.
(Les chiffres indiqués entre parenthèses indiquent la position du titre sur la tracklist de l'album, l'étoile correspond à un spin off bonus)
Mon top 3 de l'album "Des angles et des épines"
1- D'en haut la ville est belle en bas.
Le titre dure plus de 8 minutes dont plus de 3 minutes d'intro. Merveilleuse instru qui porte un texte percutant (sublime) que j'imagine comme la bande originale du Blast de Manu Larcenet. La même violence latente, la même rugosité, la même sincérité dans l'introspection.
2. Cent fois
Un morceau entêtant dont on a du mal à se défaire même longtemps après l'écoute. Pour les curieux à qui le gimmick sifflé évoquerait quelque chose, il faut savoir qu'il constitue l'habillage sonore de la nouvelle émission de France Inter "si tu écoutes, j'annule tout".
3. Cancre ultime
Hymne à la liberté qui dit la volonté de sortir des chemins tout tracés pour mener sa propre vie, telle qu'on l'entend. Efficace.
Cabadzi sera à la Maroquinerie le 24 septembre prochain. L'occasion rêvée de découvrir le nouvel album dans sa version live, dans ma petite salle parisienne préférée : Un rendez-vous à ne pas manquer (places disponibles ici)