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"L'accident" de Marianne Brun

Publié le 28 août 2014 par Francisrichard @francisrichard

Les êtres humains ne maîtrisent jamais complètement leur destin, même s'ils ont bien souvent plus de degrés de liberté qu'ils ne l'imaginent. Surviennent toujours des événements inattendus, qui en modifient la trajectoire, des accidents.

Le titre du roman de Marianne Brun aurait tout aussi bien pu être décliné au pluriel. Bien sûr il y a un accident de la route qui sert de révélateur dans cette histoire, ou qui en est l'aboutissement, mais il n'aurait pas eu lieu si deux autres accidents ne s'étaient pas produits, l'un dans un passé lointain, l'autre dans un passé tout proche.

Christine a 25 ans quand elle a L'accident, dans un paysage de campagne enneigé. Sa fille Marion, 7 ans, est sur la banquette arrière à ce moment-là. Nous sommes en février 1980. Que s'est-il passé? La Simca, que Christine conduit en pleurant, fait une embardée et se retrouve dans le fossé.

Marion, peu de temps auparavant - c'est un accident -, a blessé son petit frère Alexandre de deux ans son cadet. Elle ne voulait pas lui faire de mal, "mais il piétinait le dessin qu'elle était en train de faire dans le sable du terrain vague" et ne s'arrêtait pas de rire:

"Marion avait saisi la première chose qui l'atteindrait plus vite que si elle s'était levée pour lui courir après. Ce fut une cuillère.

Une gerbe de sable lui avait frotté les yeux, la cuillère avait suivi."

Est-ce pour cette raison que Christine a envoyé Marion en colonie de vacances? Peut-être, mais ce n'est pas sûr. Toujours est-il que Marion s'est alors demandé si sa mère voulait se débarrasser d'elle et l'a ressenti comme une punition. Comme elle ressent que sa mère n'a pas un comportement de maman avec elle et qu'elle n'est pas la même quand son père est là, sans qu'elle ne puisse dire pourquoi, et si c'est mieux quand il n'est pas là.

Le calcul est vite fait. Christine a commencé à attendre Marion alors qu'elle n'avait que 17 ans. C'était un accident... Mais elle a gardé l'enfant... A partir de là, Christine a fait comme on lui a dit de faire. "On", c'est-à-dire, plus précisément, ses tantes et sa grand-mère. Elle a épousé le père de l'enfant, André, alors que le père aurait pu être un autre, Christian, s'il l'avait voulu... dont le souvenir est doux.

Christine a cru longtemps qu'elle avait fait un parcours sans faute, en suivant presque tous les conseils de "on". Elle a donc été mère au foyer, s'occupant du ménage, des enfants etc. puisqu'elle ne serait jamais paysagiste...

Comment expliquer qu'après l'accident, Christine ait laissé toute seule Marion dans la Simca et ait acceptée de monter sans elle dans une fourgonnette, conduite par Madame Reynaud, qui s'est arrêtée à hauteur de la voiture accidentée?

L'auteur, à la faveur de retours dans le passé de Christine, son enfance, sa mère Jeanne, sa vie de couple etc. esquisse peu à peu, dans un style vif et évocateur, sans concessions, une réponse à cette question, une réponse qui s'avère complexe. Car la facilité serait de conclure hâtivement que Christine n'est qu'une mère indigne, doublée d'une incapable...

Un indice?

"Fuir - sa vie n'a été qu'une fuite.

Même l'attente est une fuite."

Peut-être est-ce d'attendre, sans entreprendre, qui, dans bien des cas, fait les accidentés de la vie...

Francis Richard

L'accident, Marianne Brun, 224 pages, L'Age d'Homme


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