Thomas Cailley, 2014 (France)
Les combattants n’a pas commencé depuis deux minutes qu’une vive émotion nous étreint. Les deux premières scènes s’enchaînent très vite et ce qui s’en dégage est à l’image de tout le film : tout l’humour d’une situation dramatique et une énergie folle à brûler dans l’instant car l’après ne compte plus.
Arnaud et son grand frère (Kevin Azaïs et Antoine Laurent) ont perdu leur père et se retrouvent dans un bureau de pompes funèbres. Rien ne leur convient. Ni les bois d’aucun cercueil, ni les mensonges du vendeur. La marchandise est de trop mauvaise qualité à leurs yeux et leurs yeux sont ceux d’experts, pas étonnant, ils sont fils de menuisier. Revenus de ce rendez-vous et des offres honteuses qu’on leur a faites, le soir même et jusqu’à la nuit, dans l’atelier familial, ils se jettent à corps perdu dans le travail pour fabriquer d’un seul élan le cercueil souhaité. Cet élan nourri de tristesse et de rage, Thomas Cailley l’accompagne d’une musique des plus entraînantes signée Hit+Run : rien pour la mort semble-t-elle annoncer, une boucle electro rythmée et grandissante, à la manière d’une sirène qui dit tout de l’urgence à vivre.
En faisant la rencontre de Madeleine (« beh putain, si c’est ça les meufs cet été, merci et vive la France »), Arnaud ne sait plus s’il veut reprendre avec son frère l’entreprise de son père. Madeleine (interprétée par Adèle Haenel que l’on commence sérieusement à adorer : Naissance des pieuvres, Sciamma, 2007, L’Apollonide, Bonello, 2011, L’homme qu’on aimait trop, Téchiné, 2012) est pessimiste et croit dur comme fer à la fin du monde. Alors elle se prépare : dans la piscine de la maison bourgeoise de ses parents, avec un sac de tuiles sur le dos ou en s’inscrivant à un stage de préparation pour intégrer les dragons parachutistes, des balaises de l’Armée de Terre. Arnaud la suit. Thomas Cailley décrit volontiers la relation d’Arnaud et Madeleine comme une collision, « la rencontre brutale entre deux éléments contraires » : en effet, elle les pieds en rangers et sur terre, hargneuse et peu à l’aise avec les moments ludiques, lui plus indécis, doux et flottant mais pas contre un bain de minuit.
Après la fulgurance du début, ce premier long métrage épatant se poursuit sans embarras entre comédie, comédie romantique à la sauce para et, changeant de ton, gagne presque le fantastique vers la fin. Dans sa dernière partie, un incendie gigantesque que l’on croît naître de la collision entre Arnaud et Madeleine laisse un vaste territoire désolé et des villages désertés sous une pluie de cendres. Le couple formé (Arnaud et Madeleine désormais dans un même cadre) est alors réellement en plein effort de survie, dans l’état de détresse qu’il a semblé appeler tout au long du film. Au final, cette jeunesse sans illusion, défaite par une crise avec laquelle elle a toujours vécu, se dresse malgré tout plus forte face à un horizon plein de lumière, sur ses gardes, à l’affût, prête à résister.