Je ne prendrai qu’un exemple : ce fameux « Ice buckett challenge » qui a marqué cet été 2014. En soi, il faut bien reconnaître que s’il est assez sain de se verser un seau d’eau glacée sur la tête quand il fait chaud (ce qui est théoriquement le cas en été), il est assez futile de le faire même s’il ne fait pas chaud et dans l’unique but de le partager sur Internet en réponse à un quelconque défi. C’est clair que ce n’est pas le sommet de l’intelligence, mais il faut bien avouer que c’est amusant, non seulement pour celui qui accepte de se mouiller – je l’ai fait ! – mais aussi pour ceux qui regardent les dites vidéos dont certaines – pas la mienne – sont vraiment désopilantes. Futile, oui, mais amusant !
Cela n’empêche pas certains de maugréer dans leur petit espace virtuel. Leur premier reproche serait que bien peu de gens contribuent réellement à financer d’une manière ou d’une autre les associations qui s’occupent de la Maladie de Charcot, d’autant plus qu’on aurait soi-disant le choix entre se mouiller ou donner. Personnellement, j’ai toujours entendu qu’on pouvait aussi faire les deux, mais de toute façon, l’important n’est pas là. L’important est que ce défi a de toute façon permis de sensibiliser des millions de personnes ne fut-ce qu’à l’existence de cette maladie particulièrement invasive. Que beaucoup de personnes volontairement aspergées n’aient pas donné le moindre sou pour les associations, c’est vraisemblable. Et alors ? En attendant, la Ligue SLA Belgique a récolté entre le 12 et le 31 août – soit en trois semaines – la somme de 123 000 EUR, alors qu’elle bénéficie d’habitude d’environ 8000 EUR annuels. Faites vos comptes…
Cela n’empêche pas certains de voir le mal là où il n’y a que bien. Il y aurait ainsi une indécence fondamentale à « gaspiller de l’eau » alors qu’il y a certaines régions du monde qui en manquent cruellement. C’est vrai que l’eau est un enjeu essentiel du 21e siècle. Il suffit d’analyser les guerres pour s’en rendre compte. Mais en quoi est-il indécent de se déverser un seau d’eau sur la tête dans une région qui ne manque pas d’eau ? Ce malheureux seau d’eau aurait-il dû être transféré par avion dans un petit sac pour – peut-être – arriver dans des régions souffrant atrocement d’un déficit aquatique ? Finalement, l’indécence ne consiste-t-elle pas à voir de l’indécence là où il n’y en a pas ?
La critique ultime est que ce geste humide ne témoignerait que de la volonté de s’afficher sur Facebook ou autres réseaux virtuels. C’est possible. Mais en quoi cela dénigre-t-il à la fois l’aspect ludique du challenge et son côté social ? On vit dans un monde où l’image – surtout celle qui n’est que virtuelle – occupe une place importante. C’est une réalité, et on peut effectivement regretter cette réalité. Elle est dangereuse et absconde quand des terroristes se mettent en scène pour décapiter d’innocentes victimes. Elle est juste une petite crise d’ego quand de parfaits anonymes ont ainsi l’impression non seulement d’exister, mais aussi d’être utiles.
Quoi qu’on puisse en penser, mon propos ne porte pas tant sur le Ice bucket challenge que sur le besoin apparemment irrépressible qu’ont certains à voir avant tout ce qui ne va pas dans le moindre événement, comme si penser correctement aujourd’hui était surtout d’être négativiste plutôt que créateur de lumière. On me dira – non sans raison – que c’est ce que je suis en train de faire… Il est temps de me taire ! Promis, mon prochain billet sera plus lumineux !