De son "vrai faux nom d’emprunt", Leos Carax est à l’honneur et à découvrir sur Arte en ce début de Septembre 2014. Un programme établi en deux soirées (03 Septembre et 08 Septembre 2014) pour mettre en avant un cinéma qui, s’il est difficilement qualifiable, mérite au moins le titre de la singularité visuelle. Au programme, la chaine Allemande propose 3 de ses 5 longs-métrages : Holy Motors, le dernier en date diffusé en 2012; Les Amants du Pont-Neuf datant de 1991 ainsi que Mauvais Sang sorti en salles en 1986. En guise de supplément – inédit -, le documentaire Mr. X : Le cinéma de Leos Carax revient sur le parcours du cinéaste Français.
Le documentaire Mr X revient sur cette faculté à créer des univers mi-fictif mi-réels quasi picturaux.
De ses débuts à l’âge de 23 ans, Boy Meets Girl l’a confirmé dans une recherche de "la beauté du geste", une projection émotionnelle à travers des acteurs qui ont régulièrement renouvelé leurs talents devant sa caméra. Denis Lavant et Juliette Binoche ont été à plusieurs reprises sollicités pour leurs qualités respectives ou pour la révélation de leurs jeux d’acteurs.
Holy Motors, une journée résumée en un peu moins de 2h de cinéma.
Hier, 03 Septembre 2014, Arte programmait pour la première fois Holy Motors sur le petit écran. Nous prenons le temps d’en exposer l’intérêt, bien que nous y reviendrons sous une forme et ce, prochainement sur le Blog La Maison Musée. Après des années d’absence, Leos Carax permet aux néophytes de plonger dans un univers, le sien, dans une ville-lumière, Paris, qui n’a rarement été aussi poétique. Difficile est l’introduction dans cet univers parfois mutique, souvent mélancolique et pourtant d’une vigueur émotionnelle rare, surtout dans le cinéma Français.
Un personnage que Denis Lavant a incarné pour le court-métrage "Tokyo!" quelques années auparavant.
Ce n’est pas "qu’il faut voir" Holy Motors, mais en avoir ne serait-ce qu’une once de curiosité apporterait beaucoup à notre manière d’envisager le métier d’acteur; le regard et le traitement unique de l’image et un bon nombre de réflexions globales. Si le réalisateur divise les critiques, il est bon de rappeler qu’un point de vue n’obtiendra jamais une unanimité. Une liberté d’un peu moins de 2h synthétise probablement le meilleur avant-goût à ce qu’est Leos Carax à travers ses idées. Denis Lavant endosse 11 visages différents, 11 apparences qui portent à chaque fois un personnage unique. Le défi est ambitieux, il fonctionne à l’écran par la cohérence-performance d’un acteur que l’on ne voit pas assez à notre goût à l’écran, mais à aucun moment Leos Carax n’est amené à l’orgueil visuel. Il y a bien cette ambition de "bien-faire" quoique cette virée Parisienne soit une lettre ouverte à un cinéma qui a changé depuis la création de Boy Meets Girl.
Non, et un seul visionnage devrait nous le faire ressentir, Holy Motors n’a rien d’illogique et ne peut encore moins de souffrir d’une critique trop rapide selon lequel le sens est trop "méta'", trop vide, creux. La densité d’Holy Motors rend toute analyse complexe, ses successions – sa rapidité- de scènes rendraient la critique obsolète tant le public possiblement attendu doit faire appel à des émotions, des bribes éparpillées entre le plaisir du rendu final; de la peine partagée avec le personnage d’Oscar de Denis Lavant face à la mort; le mensonge; le dénigrement; l’horreur face au personnage du Leprauchaun Français M. Merde …
Holy Motors est dès à présent visible via le Replay d’Arte+7. Profitez-en encore pendant 6 jours avant qu’il ne soit trop tard. Mr X : Le cinéma de Leos Carax profite également du programme et est visible grâce à Arte+7.
Juliette Binoche, incontestablement "la" muse des premiers films de Leos Carax.
Mr X, documentaire supervisé par Arte, revient sur le parcours " en dents de scie" du réalisateur. De Denis Lavant qui est devenu un avatar masculin pour la plupart de ces films aux équipes qui l’entourent pour mener à bien ses projets cinématographiques, l’homme est aperçu en filigrane dans ses réalisations les plus intimes. A part quelques éléments biographiques, le coup d’œil vaut énormément par rapport à cette idée que chaque film est un morceau de vie animé. Réalisateurs, assistants, monteurs et régisseurs, tous affirment que la patte Leos Carax rend toute le décorticage intellectuel quasi superflu. Pour quiconque, et même les réticents qui, à la place d’arguments préfèrent le qualificatif de "cinéma arrogant", surprise et inattendu fondent un charme qui n’a pas besoin d’être étrillé pour plaire. Holy Motors et autres créations estampillées "Carax" fournissent toutes les clefs de compréhension à travers la routine d’être fictifs, un décor souvent rêveur, (Et coûteux pour Les Amants du Pont-Neuf) où la principale interaction avec le spectateur est de faire appel à sses sentiments.
"Enfant terrible du cinéma Français", "cinéaste maudit" et autres qualificatifs jugent souvent l’homme et ses créations. Avec de brèves interventions du réalisateur, l’on en revient à un parfait complément d’Holy Motors. Le but n’est pas la prétention mais de prendre le cinéma comme une matière brute. En tant que sculpteur, Leos Carax exige des prouesses à ses modèles. En concrétisant des productions d’1h 30 ou plus, il honore un format artistique à travers des genres distincts : le récit romantique avec Les Amants du Pont Neuf, le polar et des moments burlesques avec Mauvais Sang, l’absurde avec un personnage dérangeant, M. Merde. En tant que créateur, s’il respecte les conventions, il y a eu – et il y aura probablement encore pour les futurs films Leos Carax – une part du public qui ne peut lui prêter sa confiance. Soit parce que la finalisation est trop abstraite, soit en vertu d’un véritable brouillage de la linéarité, ou encore parce ce tout ce qui est ordinaire ne peut pas émerveiller ou plaire.
Jules-Etienne Marey apparait par fractions de secondes dans Holy Motors. Une manière de se rappeler les "origines" du cinéma.
Arte, partenaire régulier des créations Leos Carax, entend donner un rôle de cinéaste passionné. La formule est peut-être réductrice. Elle a toutefois le mérite de supplanter l’image d’artiste maudit, idées taillées dans le marbre pour sous-entendre tout et à peu près signifier peu de choses. Un documentaire appréciable, que l’on sent évidemment conçu comme un hommage à Leos Carax, qui forme une sorte d’opinions d’arrière coulisses. Sous l’aspect d’un making-off ayant la durée d’un film de plus de 60mn, la multiplicité originale de Leos Carax nous prouve que, oui, le rêve; l’esthétisme; la suggestion; l’émotion; l’inventivité font partie du cinéma Français.