Pour Lawrence Durrell

Par Gerard

Alors, Sommières.
Sommières dans le chant de la cigale esseulée, soleil de neuf heures du matin sous les pins parasols, été 2014. Quand tout est déjà en place, le monde qui s'est remis en marche sans vous, comme si vous aviez manqué le principal, que tout s'était organisé en votre absence, tandis que vous dormiez. Quelque chose de perdu, déjà, dès l'origine, enseveli dans la chaux vive du so
leil.
La lumière fracasse les persiennes et se mêle au souvenir soudain de votre dernier rêve : quelqu'un, quelque part, disant que le poète est le premier homme, qu'il est aussi le dernier. Je ne mens pas. Telles sont les paroles exactes. Elles sonnent encore à mes tympans.
Eté. Eté des ombres qui courent le long des murs et des fontaines. Eté des ombres sous les platanes, avec ces échassiers pêchant, méticuleux et désordonnés comme de grandes folles, dans le cours alangui du Vidourle, parmi les pierres sèches, sous les arches du pont romain.
Un bleu si tendu déjà que le ciel pourrait craquer d'un coup, comme ça - une déchirure avec vue sur le fond du temps.
Sur le panneau l'Espace Lawrence Durrell, la salle polyvalente de Sommières, a perdu un " r ". Non, pas d'expo en ce moment. Ya eu, ya plus. L'auteur du Sourire du Tao a vécu ici des années, un peu à l'écart du centre, passé le pont romain, au 15 rue de Saussines, une maison cossue avec un beau jardin.
J'ai beaucoup aimé me savoir le contemporain de Lawrence Durrell. Le savoir là, avec son sourire taoïste et sa bouteille de pinard. Ecrivant à propos de son premier roman Le Carnet noir : " Un itinéraire spirituel qui établira définitivement le roman comme un genre épuisé... "

Gérard Larnac